Microphone

Marche pour la vie : on en pense quoi ?

Abbé Pierre-Hervé Grosjean
22 janvier 2011

On entend parfois, et c’est assez étonnant, dans les rangs cathos : « mais peut-on aller à cette marche pour la vie » ?

Sans doute faut-il y voir les craintes – assez légitimes il y a quelques années – de se retrouver au milieu de fachos de tous bords, d’élus tendance « droite nationale » qui s’affichent et de multiples bannières fleurs de lys et Sacré-Coeur qui se croient sans doute sur les routes de Chartres !

C’est en tout cas l’image tenace qui a prévalu dans nos diocèses pendant un certain temps. D’où la gêne de certaines associations, mais aussi de certains évêques de France, de s’associer à une telle manifestation. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Une com qui a changé

Avec mes confrères du Padreblog, je crois que les choses ont bien évolué de part et d’autres.

D’abord parce que les organisateurs de la « Marche pour la Vie » ont compris qu’une manifestation était (aussi) de la communication vis-à-vis du grand public. Et qu’il était dommage que le message essentiel qu’ils portent soit déformé par des détails sur lesquels s’arrêtent bien évidemment les médias : crânes rasés, badges politiques, insignes royalistes, symboles religieux, etc.

De même, le discours, les argumentaires, les slogans, ont été travaillés. Je me souviens d’une édition à laquelle j’avais participé, où une brave dame hurlait de façon hystérique et dans une mauvaise sono des slogans hostiles aux avorteurs. Ce qu’elle disait n’était pas faux en soi, mais dit ainsi, ça fait fuir ou ça provoque l’hostilité en retour des passants. En tout cas, au 20h de TF1, ça passe mal. Très mal. Or on ne descend pas dans la rue, si ce n’est pas pour communiquer. Il a donc fallu travailler cet aspect là. Et c’est tout à l’honneur des organisateurs de l’avoir compris. Il y a sans doute encore beaucoup de travail, une prise de conscience nécessaire de l’ensemble des participants, mais on va dans le bon sens.

On a aussi compris que le combat pour la vie devait rassembler au delà des appartenances politiques ou religieuses, puisqu’il s’appuie sur la morale naturelle.

Voilà pourquoi je ne vois pas très bien ce que viennent faire les bannières ou les drapeaux flanqués du Sacré-Coeur. On fait penser que nos arguments sont confessionnels, alors que nous les savons rationnels et donc recevables par tous. Même si l’Eglise, bien sûr, est à la pointe de ce combat car elle a des raisons supplémentaires de comprendre le caractère sacré de toute vie.

Cette évolution explique qu’aujourd’hui des évêques français soutiennent ouvertement cette manifestation. Il y a quelques années, le premier qui y a participé était l’évêque de Saint-Etienne, aujourd’hui archevêque de Rouen. Il ne s’est pas plaint de récupération politique. Depuis, plusieurs évêques y participent. Plusieurs sites internet diocésains évoquent d’ailleurs la manifestation, ce qui est nouveau.

Proclamer le respect de la vie

On sent bien que de part et d’autres, on se rapproche peu à peu, chacun avec une prudence très grande ! Mais peut-on se payer le luxe d’attendre plus longtemps avant de monter un grand évènement pro-life annuel ? Car il est clair que la « Marche pour la Vie » passera un cap manifeste, en terme d’affluence, le jour où elle deviendra un évènement officiel aux yeux de tous, l’Eglise de France décidant de faire sienne cette manifestation en mobilisant ses réseaux et ses paroisses. On a vu ce qu’on pouvait faire pour défendre l’école libre ou le mariage homme-femme. Encore une fois, au service d’une cause qui dépasse les chrétiens.

C’est tout à l’honneur des milieux « tradis » d’avoir lancé cette marche et de vouloir toujours mieux ajuster la démarche. Il faut maintenant que les évêques la reprennent à leur compte pour lui donner cette dimension universelle, en lien avec les autres religions, les associations, les hommes et les femmes de bonne volonté.

Quand 300.000 personnes seront dans la rue pour demander le respect de toute vie, et de la vie à naître en particulier, les médias ne pourront plus l’ignorer, ni la caricaturer. C’est le cas aux USA où la cause pro-life avance.

Les papes successifs (Benoît XVI, François) ont apporté leur soutien et donné leur bénédiction aux marcheurs. Que tous ceux qui le peuvent soient au rendez-vous ! Avec le ferme désir, le ferme engagement, au delà de cette marche, de prier et d’aider toute femme en détresse pour qu’elle puisse garder et accueillir son bébé.

Car il est bon de le rappeler, dans ce service de la vie il ne faut oublier aucun domaine : la communication et la pression au niveau politique pour changer les lois ou éviter les lois mauvaises, mais aussi l’assistance dans le domaine social pour toutes les femmes en difficulté.

Enfin, la prière, car l’enjeu de ce combat nous dépasse. C’est aussi un combat spirituel. En ce sens, les différentes associations sont complémentaires et tous les charismes sont utiles. Ne tombons pas dans le travers bien français-gaulois (et bien catho aussi !) de la division, quand plus que jamais notre unité est nécessaire.

Abbé Pierre-Hervé Grosjean

Abbé Pierre-Hervé Grosjean

Diocèse de Versailles, ordonné prêtre en 2004. Curé de Montigny-Voisins. Responsable des questions politiques, de bioéthique et d'éthique économique pour le diocèse de Versailles. Auteur de "Aimer en vérité" (Artège, 2014), "Catholiques, engageons-nous !" (Artège 2016), "Donner sa vie" (Artège 2018), "Etre prêt" (Artège, 2021).

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