Microphone

Paul VI : Pape écartelé

Abbé Antoine Roland-Gosselin
18 octobre 2014

Visage de l’intransigeance de l’Eglise ou de la crise moderniste, la figure de Paul VI divise. Pour les uns, il est le symbole même du conservatisme de l’Eglise, manifesté en premier lieu par l’encyclique Humanae vitae perçue comme un refus institutionnel d’accepter les évolutions jugées nécessaires en matière morale. Paul VI aurait aussi empêché le concile Vatican II d’aller à son terme dans l’esprit que souhaitait le bienheureux Jean XXIII. Pour d’autres, le Pape Montini est au contraire le responsable de la crise post-conciliaire dans les pays occidentaux. C’est lui qui aurait fait entrer le modernisme dans l’Eglise. On a tout dit sur Paul VI…

Au nom du Seigneur

Il reste que de Vatican II à Humanae vitae et Ecclesiam suam en passant par la question des prêtres ouvriers ou du célibat des prêtres, Paul VI s’est affronté à la plupart des thématiques qui nous intéressent aujourd’hui. Faisons l’hypothèse que si les réactions sont aussi divisées autour de sa vie, ce n’est pas parce que ce pape aurait changé régulièrement de cap, cherchant tant bien que mal à contenter les différents « camps » présents dans l’Eglise mais, au contraire, parce que la droiture et la continuité de ses choix l’ont fait suivre la voie promise aux disciples du Christ.

La devise épiscopale de Giovanni Battista Montini, le futur Paul VI, nous éclaire sur ce qui a été sa balise tout au long de sa vie. Paul VI a cherché à agir « in nomine Domini » [au nom du Seigneur] en portant le témoignage de la Vérité dans le monde et en supportant les aspects incompréhensibles de certaines décisions pourtant gages de sa fidélité à la parole du Christ.

Tel l’apôtre Paul, il fit l’expérience que si « je vis, ce n’est plus moi mais le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20). Paul VI a porté la double charge de la Vérité et de la Charité en sachant que l’une ne va jamais sans l’autre.

Un cœur de pasteur

Le Pape Paul VI fut aussi un pasteur hors norme. C’est lui qui, le premier, a pensé que le Pape – parce qu’il est pasteur universel – doit aller à la rencontre du monde. Il a ainsi inauguré les voyages pontificaux à travers le monde. Le motif de ces voyages était sa charité pastorale. Ainsi, comme il le dit lui-même dans sa profession de foi (1968) « l’intense sollicitude de l’Eglise, épouse du Christ, pour les nécessités des hommes, leurs joies et leurs espoirs, leurs peines et leurs efforts n’est donc rien d’autre que son grand désir de leur être présente pour les illuminer de la lumière du Christ et les rassembler tous en lui, leur unique Sauveur ». Paul VI témoignait de sa sollicitude à travers des gestes forts : il embrassait la terre qu’il visitait en signe d’amour pour le peuple qui l’habitait. Un geste repris plus tard par son successeur, le saint pape Jean-Paul II.

Et pourtant cette sollicitude « ne peut jamais signifier que l’Eglise se conforme elle-même aux choses de ce monde, ni que diminue l’ardeur de l’attente de son Seigneur et du Royaume éternel » (Profession de foi). Le pasteur sait que la Charité est dans la Vérité et jamais en dehors de la Vérité.

Paul VI est aussi celui qui a relancé les synodes, grands lieux de dialogue offerts à l’Eglise universelle. Sans être des parlements temporaires ils sont des lieux privilégiés où peut être entendue la voix de l’Esprit-Saint. Les évêques assistent alors le pasteur qui a la charge de l’Eglise universelle.

Enfin, le Pape Paul VI avait une très haute conception du ministère presbytéral. Dans un magnifique message adressé aux prêtres du monde entier s’entendent les paroles d’un père à ses fils, d’un frère à ses frères. Là, se dévoile la beauté du cœur de Paul VI. Incompris et paradoxal. Voilà les mots de Paul VI décrivant l’état des prêtres et son propre état : « nous demandons donc aux prêtres de se souvenir que la situation de chaque chrétien, et en particulier celle du prêtre, sera toujours une situation paradoxale et incompréhensible aux yeux de qui n’a pas la foi. C’est donc à un approfondissement de sa propre foi que la situation actuelle doit inviter le prêtre, à une conscience toujours plus claire de ce qu’il est, des pouvoirs dont il est revêtu, de la mission dont il est chargé. Chers fils et frères, nous demandons au Seigneur de nous rendre capable et digne de vous offrir quelque lumière, quelque réconfort ». (Lettre aux prêtres, 30 juin 1968).

Le signe de la béatification

Avoir choisi de béatifier Paul VI le dernier jour du synode sur la famille est tout sauf un hasard. Auteur d’Humanae vitae, Paul VI a nécessairement quelque chose à nous apprendre sur la famille. Le Pape François vise sûrement autant les positions doctrinales de Paul VI que sa manière d’affronter ces questions délicates. La béatification de Paul VI est l’occasion de confier nos évêques à l’intercession du nouveau Bienheureux. Que leurs cœurs soient toujours plus conformés au cœur de Celui qui a tant aimé les hommes !

Abbé Antoine Roland-Gosselin

Abbé Antoine Roland-Gosselin

Prêtre du diocèse de Versailles, ordonné prêtre en 2013. Curé de Saint-Cyr l'école (Yvelines). Licencié en théologie.

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