Fais pas çi, fais pas ça…
« Mon Père, est-ce que je peux ? Est-ce que j’ai le droit ? Suis-je en règle si… ? ». Que de fois nous entendons une question de ce type comme si le prêtre était un gendarme ou qu’il était celui qui décidait pour les autres. Quelques réflexions pour entrer dans la beauté de la vie morale.
Une morale perçue comme un carcan
Lorsqu’on cherche à mener une vie droite, on s’interroge légitimement sur ses comportements, et le prêtre, lorsqu’il y a une relation de confiance, devient naturellement un interlocuteur privilégié. Quelle joie d’ailleurs pour les prêtres de constater cette confiance ! Cependant, il doit être clair que jamais le prêtre, ni même le Magistère, ne peut prendre une décision à la place d’un fidèle. Le prêtre n’est pas un gourou !
L’Église n’est pas non plus détentrice d’une loi qu’elle imposerait à ses fidèles pour distinguer les bons chrétiens des mauvais. Pourtant, certains paroissiens nous disent : « le pape François nous permet de… alors que son prédécesseur ne m’y autorisait pas… est-ce que vous-même m’y autorisez… ». Derrière cette demande, il est évident que se cache d’abord la volonté d’être en règle avec ce que l’on imagine être la loi de l’Église ou de Dieu. Mais il y a aussi une vision erronée de la morale chrétienne qui n’est pas un carcan.
Distinguer la loi morale de toute autre loi
La loi morale n’a rien à voir avec le code de la route ! Ce dernier est un ensemble de règlementations arbitraires (décidées de manière unilatérale par le gouvernement) en vue d’assurer la sécurité de tous les usagers des voies publiques. Le code de la route, comme l’ensemble de notre droit, repose essentiellement sur la conviction que le comportement de tous doit être mesuré pour permettre à chacun de disposer de sa voiture. Je dois réfréner mon envie d’aller vite ou ce que je pense être une situation d’urgence pour ne pas mettre en danger ma propre vie ou celle d’autres usagers. Le code de la route est une loi qui s’impose à moi. Il est d’ailleurs tellement bien perçu comme cela que de nombreux usagers adoptent à son égard un comportement hypocrite : je freine devant le radar et j’accélère une fois le danger écarté.
Si j’adopte la même attitude pour la loi morale, considérant que l’Église vient contraindre ma liberté ou ma foi en m’imposant un comportement qui restreint ma liberté d’action, il est clair que je ne peux comprendre cette loi. Elle est un carcan, un fardeau qui me nuit. Il faudrait alors hurler contre cette Eglise qui me forcerait à agir à sa manière.
Quant à ceux qui refusent d’aller jusqu’au bout de leur logique et qui essaient d’appliquer une loi qu’ils ne comprennent pas, ils ne s’en tiennent qu’à l’idée qu’il « ne faut pas » tomber… et malheureusement ils tombent… incapables de porter sur leurs épaules cette loi, perçue comme un fardeau. A la chute et la consommation de la tentation s’ajoutent souvent la tristesse et la honte d’avoir commis l’irréparable.
Tout est permis mais tout ne convient pas
La loi morale est en réalité une Loi nouvelle, c’est le Christ lui-même. Il ne s’agit pas d’une loi qui s’impose à moi mais au contraire une loi de croissance inscrite en moi-même, moi qui ai été créé à l’image de Dieu en vue de lui ressembler et de partager sa béatitude. La loi morale n’est donc pas une liste d’interdits mais plutôt un appel à entendre ce que nous sommes. En ce sens, la loi morale est tout sauf moralisante, elle est au contraire une loi de liberté. La structure même du Catéchisme de l’Église catholique nous aide bien à comprendre que ce qui est premier, c’est l’attachement au Christ. La partie réservée à la morale n’en constitue en effet que le troisième chapitre, les deux premiers étant le Credo et les sacrements.
Saint Paul résumait de manière lapidaire ce qu’est la morale chrétienne : « Tout est permis mais tout n’est pas constructif » (1 Co 10, 23). Tout est permis parce qu’effectivement je peux faire tout ce qui est en mon possible : crier, hurler, frapper, aimer, détester… Mais tout ne convient pas car tout n’est pas adapté à ce que je suis ni au moment que je suis en train de vivre. Avoir un beau métier me garantissant un bon salaire n’est pas un mal en soi ! Cependant, cela ne convient pas lorsque je me plie à des compromissions pour continuer à progresser dans mon entreprise ou que je compromets l’équilibre familial à force de considérer que chaque mail que je reçois est d’un enjeu vital.
Découvrir ma volonté
La question n’est donc pas de savoir si je peux faire une action ou non, si j’ai reçu l’autorisation pour agir, mais bien plutôt d’éclairer ma conscience et mon discernement en vue de pouvoir réaliser que certains actes sont foncièrement mauvais et qu’il est donc nécessaire de les éviter.
Ce n’est que dans ce contexte que l’on peut entendre la belle prière de saint Augustin : « Aime et fais ce que tu veux ». Aime le Seigneur, choisis quel est le but de chacune de tes actions et tu éviteras de faire le mal. Aime le Seigneur et choisis de renoncer à toi-même. Aime le Seigneur et laisse-toi enseigner par le Maître intérieur. Alors, tu feras ce que tu veux et non ce que tu désires.