Microphone

L’autre leçon de Fukushima

Abbé Pierre Amar
20 mai 2011

Regardez bien cette image ; elle est au moins étrange, sûrement curieuse, peut-être inouïe.

A gauche, ces gens que l’on voit de face, sont les représentants des victimes de l’accident nucléaire de Fukushima au Japon du 11 mars 2011 . Ils sont 80 000 à avoir été obligés d’abandonner leurs maisons en quelques heures. Beaucoup ne savent pas quand ils reviendront chez eux… s’ils y reviennent un jour ! Ils logent dans des hôtels et des gymnases, en attendant qu’on leur trouve une solution pérenne. Les hommes à droite, habillés en bleu, sont les cadres de TEPCO (Tokyo Electric Power Compagny) la société qui exploite la centrale nucléaire de Fukushima. Ils sont à genoux… Spectacle ? Comédie ? Coutume ? Non, ils demandent pardon !

Ce genre de scène en 2011 parait à certains totalement irréelle… Même s’il est difficile de deviner ce que ressentent toutes ces personnes, elle est tellement consolante et pleine d’espérance ! On a tout dit de Fukushima. Et les leçons sont nombreuses : non l’homme ne maîtrise pas tout, oui cette planète est fragile ! Et nos machines ultra modernes ne peuvent nous garantir le risque zéro.

Le propos ici n’est pas de débattre de la nécessité ou non de sortir du nucléaire, ni de réfléchir aux démarches des assurances et des indemnisations colossales que l’accident de Fukushima a généré. Constatons ensemble que la troisième économie mondiale règle les problèmes en profondeur. Il ne suffit pas de réparer, voire de financer à coups de millions de dollars. Au pays des Samouraïs, on exige aussi le repentir des responsables qui doivent demander pardon. Publiquement. À genoux. Le pardon n’exclue pas la justice : ces hommes seront jugés. Pardonner ce n’est pas oublier.

Mais les Japonais semblent avoir besoin d’autre chose : d’un pardon donné et d’un pardon reçu. J’y vois quelque chose qui élève l’homme, annonciateur d’espérance, prophétisant l’évangile ! Les chrétiens savent que pardonner c’est aller au-delà de l’offense, continuer à vivre après la blessure. A l’opposé, refuser le pardon c’est refuser une rédemption, rester bloqué.

Saviez-vous qu’en grec, pour « pardon » et « libération » on utilise le même terme (aphesis) ? Et si les japonais, d’ordinaire si réservés, nous donnaient en ce moment même une leçon ? Que pardonner est libérant ? Que pardonner c’est accepter de reconstruire ?

On confond souvent pardon et excuses, voire pardon et négation des faits. Pardonner c’est dire : « Ce que tu as commis m’a fait souffrir. Mais je prends la décision de ne pas en tenir compte et de faire en sorte que ce ne soit pas un obstacle à nos relations ».

Naïveté et hypocrisie diront certains… Espérance chrétienne diront les autres ! Oui, le cœur de l’homme est capable de grandes choses ! Pour ma part, je pense que les vrais héros sont ceux qui pardonnent. J’en connais déjà un : Jean-Paul II. J’apprends à l’instant que Moubarak va demander pardon aux Egyptiens… Alors le pardon, contagieux ? Prouvons-le !

Abbé Pierre Amar

Abbé Pierre Amar

Diocèse de Versailles, ordonné en 2002. Licencié en droit et en théologie. Auteur de "Internet, le nouveau presbytère" (Artège, 2016), "Hors Service" (Artège 2019), "Prières de chaque instant" (Artège 2021) et de divers spectacles (Jean-Paul II, Charles de Foucauld, Madame Elisabeth). De 2013 à 2018, il anime l'émission "Un prêtre vous répond" sur Radio Notre-Dame. Depuis sept. 2019, il répond à "Pourquoi Padre ?" sur KTOtv.

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