Microphone

Les protestants, les orthodoxes et moi

Père Jean-Baptiste Siboulet
19 janvier 2021

« Que tous soient UN ! » (Jn 17,21). En écho à cette prière si forte de Jésus au seuil de sa passion, la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens revient chaque année du 18 au 25 janvier. Cette semaine propose d’unir dans la prière les chrétiens dedifférentes confessions afin de demander ensemble « l’unité telle que Dieu la veut, et par les moyens qu’il veut » (prière de l’abbé Couturier).

Mais comment le catholique français « de base » peut-il se sentir concerné quand – la plupart du temps – il n’a que peu l’occasion de fréquenter des chrétiens d’une autre espèce que la sienne ? On veut bien prier à cette intention à la messe pendant la prière universelle, mais que faire de plus ?

Devenir davantage chrétien

Il y a sans doute une manière de vivre l’œcuménisme qui soit accessible à tous : se demander comment devenir davantage chrétien grâce aux autres chrétiensNous avons parfois des clichés sur les autres confessions chrétiennes. Sans vraiment forcer la caricature, les catholiques pensent que les protestants ne croient ni à la présence réelle ni à la Sainte Vierge, et que les orthodoxes ne reconnaissent pas le pape. Il est pourtant probable qu’un protestant ou un orthodoxe ne se retrouvent pas dans de tels portraits. Les choses sont effectivement plus subtiles : le culte eucharistique, la dévotion mariale ou la reconnaissance de la primauté de l’évêque de Rome ne sont pas le privilège des catholiques romains. L’œcuménisme est donc une opportunité pour entrer plus profondément dans l’intelligence de la foi. Car les divergences théologiques qui nous séparent sont de bonnes questions dont on ne se débarrasse pas si facilement. Ceux qui ont un proche d’une autre confession chrétienne le savent bien : les discussions œcuméniques stimulent l’approfondissement de la vérité chrétienne.

L’Esprit souffle où il veut

Entendons-nous bien : l’enjeu n’est en aucun cas de relativiser la tradition catholique ni d’affirmer que l’Église catholique ne dispose pas de la plénitude des moyens du salut. Non, bien au contraire, l’enjeu est de devenir plus catholiques en apprenant des orthodoxes, des évangéliques, des anglicans, des réformés, etc. Il y a en effet des éléments de vérité et de sainteté qui sont parfois mieux mis en valeur dans les autres traditions chrétiennes. Les reconnaître et les faire nôtres, avec discernement évidemment, peut nous permettre d’enrichir notre manière de vivre la foi.

C’est ce qu’on appelle « l’œcuménisme réceptif » ou encore « l’échange des dons ». C’est précisément l’exercice auquel se sont prêtés Henrik Lindell et Pierre Jova dans leur excellent livre Comment devenir plus catholiques… en s’inspirant des évangéliques (Éd. de l’Emmanuel, 2020). Les deux journalistes n’invitent pas à copier aveuglément toutes les pratiques des évangéliques mais encouragent à recevoir d’eux tout ce qui pourrait nous rendre plus proches du Christ et plus missionnaires.

Des pistes concrètes

Le livre de Jova et Lindell nous présente quelques manières d’apprendre de nos frères évangéliques :

– Donner plus de place à la Parole de Dieu. Les évangéliques sont de véritables passionnés de la Bible qu’ils lisent tous les jours (avant les repas, avant de se coucher, dans le métro, etc). Ils en connaissent bien souvent de nombreux versets par cœur. Sur ce sujet, écoutez le podcast du Père Grégoire Sabatié-Garat : « 7 conseils pour lire (enfin) la Bible ».

– Contribuer à rendre sa paroisse plus accueillante. Alors qu’en France, un anonyme qui se rend à la messe catholique a de grandes chances de repartir sans qu’on lui ait adressé la parole, les évangéliques ont ce souci permanent d’accueillir toute personne de passage. C’est une question d’organisation (équipes d’accueil, repas, etc) mais aussi d’état d’esprit.

– Utiliser ses talents pour rendre l’Église plus attractive et parlante pour nos contemporains. Les évangéliques cherchent à rejoindre les gens avec leurs codes culturels, sans chercher à les faire rentrer dans une culture qui leur est bien souvent devenue étrangère. Pour cela, tous les talents sont bons ! On le voit particulièrement dans la musique. Les évangéliques n’hésitent pas à investir des genres musicaux très divers et souvent actuels. Bon exemple d’œcuménisme réceptif, le groupe catholique Glorious ne cache pas s’être inspiré de groupes de musique évangéliques comme Exo ou Hillsong. Dans le même domaine, conscients du grand pouvoir évangélisateur de la musique et de la prédication, les évangéliques apportent un soin très particulier à leur équipement sono. Disons poliment que ce n’est pas toujours le cas dans nos églises catholiques Comme quoi l’apprentissage œcuménique n’est pas que spirituel !

Et chez les autres ?

Cet exercice de réception œcuménique peut se faire à l’égard de bien d’autres traditions chrétiennes. Citons brièvement encore quelques exemples possibles :

– S’inspirer des méthodistes en intégrant une maisonnée ou une fraternité paroissiale. Les « ecclésioles » méthodistes, qui existent depuis le 18ème siècle, sont de petits groupes de prière qui se rassemblent dans des maisons particulières pour lire l’Ecriture, prier, et veiller les uns sur les autres.

– S’inspirer des anglicans en priant en paroisse la liturgie des heures. Les paroisses anglicanes proposent régulièrement à leurs fidèles laïcs de prier l’Office divin de façon communautaire, avec un soin particulier apporté au chant choral.

– S’inspirer des orthodoxes en pratiquant la prière du cœur. C’est l’un des trésors les plus précieux de la piété orientale. Il s’agit de répéter inlassablement la même phrase (« Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur »), en calant cette prière sur le rythme de sa respiration. Ainsi, celui qui prie demeure dans la présence du Christ.

Toutes ces inspirations possibles rejoignent bien souvent des pratiques déjà présentes dans notre tradition catholique, mais qui peuvent sans doute être encore développées. Apprendre des autres traditions chrétiennes, ce n’est donc pas devenir moins catholiques, mais plus catholiques. L’œcuménisme peut être une chance pour l’Église car l’Esprit Saint agit aussi dans la vie des autres confessions chrétiennes. Accueillons avec gratitude et humilité les dons que Dieu leur fait et qu’Il veut nous transmettre à travers elles !

Père Jean-Baptiste Siboulet

Père Jean-Baptiste Siboulet

Diocèse de Nantes, ordonné en 2017, prêtre de la communauté de l’Emmanuel (emmanuel.info). Licencié en droit et en ecclésiologie/œcuménisme. En ministère à la paroisse Sainte-Madeleine de Nantes et aumônier d'étudiants. Aime le piano, le rugby, l'auto-stop et la rando.

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