L’essence de la France
« L’essence de la France ». Devant les caméras de toutes les chaînes de télévision de notre pays, en à peine quelques secondes, Manuel Valls a consacré les racines chrétiennes de notre pays.
Le mot a surpris les uns, fait bondir les laïcards de service et peiné les francs-maçons. Etonné tout le monde en tout cas, car il était prononcé, le 22 avril 2015, par le Premier ministre à la suite de l’attentat déjoué contre une église paroissiale du Val-de-Marne.
Ne boudons pas notre plaisir ; voici les propos du Premier ministre : « Cette fois-ci, c’étaient les chrétiens, les catholiques de France, qui étaient visés, pour la première fois. Deux églises étaient dans le viseur de cet individu (…) Vouloir s’en prendre à une église, c’est s’en prendre à un symbole de la France, c’est l’essence même de la France qu’on a sans doute visée (…) Les fidèles de la religion catholique doivent pouvoir pratiquer leur culte, aller à la messe en parfaite sérénité. D’ailleurs, c’est la plus belle et la plus forte des réponses que nous devons apporter au terrorisme qui cible la France pour mieux la diviser, (…) La France a un patrimoine chrétien exceptionnel. Ses cathédrales, ses églises, ses chapelles attirent des touristes, des pèlerins, des fidèles par milliers du monde entier. Ce patrimoine doit être protégé, mais il doit rester ouvert, accessible ».
Vérité historique
L’Eglise catholique n’a aucun problème avec la laïcité. La distinction entre Dieu et César fait partie de notre culture biblique et traditionnelle. Au-delà des querelles et des drames causés par les lois de 1901 et 1905, au-delà du laïcisme qui peut très vite devenir une idéologie, on voit qu’aujourd’hui, nous autres, catholiques vivons très sereinement la séparation de l’Eglise et de l’Etat, ainsi que la coexistence de diverses croyances religieuses sur le sol national. Mais c’est rendre hommage à la vérité que de reconnaître au christianisme une place singulière, toute spéciale, dans le « roman national ». L’ADN de notre pays, son héritage, que cela plaise ou non, c’est la culture judéo-chrétienne. Même François Mitterrand avait compris la force symbolique d’un clocher de village, à une époque où les catholiques étaient déjà minoritaires. Et cela n’a rien à voir avec le fait qu’on soit croyant ou pas : il suffit juste d’être un (humble et honnête) historien. Dans un discours à Rome, un texte à relire et méditer, le président de la République de l’époque l’avait souligné.
La République laïque ne reconnaît aucun culte ? Dont acte. Elle les traite avec une stricte égalité ? Pourquoi pas ? Mais cette égalité doit aussi considérer que la religion catholique a une place différente.
Cette place différente, particulière, ne nous crée pas beaucoup de droits mais plutôt pas mal de devoirs. Nous sommes plus regardés, attendus, écoutés, pas toujours entendus. Parfois, c’est même le schéma ecclésial qui s’impose à l’Etat : on voit comment il peine à organiser administrativement un islam à la française, croyant qu’il a devant lui un réseau de mosquées, un clergé avec des « imams en chef », sortes de prêtres et d’évêques. L’Etat a une vision catholique des religions. Il est vrai que le Nonce Apostolique est statutairement le doyen du corps diplomatique. Mais quand même !
Vers une nouvelle manière d’être catholique français
« Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! » s’écriait en 1877 Léon Gambetta à la tribune de l’Assemblée nationale. Cet anticléricalisme a été désamorcé dans les tranchées de 14-18 par la sueur, le sang et les larmes d’aumôniers militaires au dévouement héroïque. Puis est apparu un antichristianisme (mais avait-il vraiment disparu ?), ce qui est plus fâcheux. Ces derniers temps, l’antichristianisme a mué : aujourd’hui, se dessine une tentative pour faire taire toute parole religieuse, quelle qu’elle soit. Un refrain anti-religion qui fait écho à cette prophétie de Georges Bernanos : « On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure ».
C’est cette conspiration-là que nous combattons et c’est certainement une nouvelle manière d’être catholique en France. Car elle ne fait pas honneur à l’homme et à la dimension verticale qui fait partie de sa vie. « Chassez le surnaturel, il revient au galop ! » et pas forcément comme vous le pensez. L’homme a soif d’authenticité, d’absolu, de lieux et d’espaces où se donner, dans toutes les dimensions de sa vie. C’est peut-être ainsi qu’il faut comprendre cette invitation qui aurait pu être lancée par un évêque ou un cardinal mais qui a été prononcée par un président de la République française, en visite à Rome : « La France a besoin de catholiques heureux, qui témoignent de leur espérance ! ».