Liberté… d’insulter !
Il semble urgent de rétablir l’enseignement de la morale à l’école, afin d’aider les intelligences à discerner entre liberté d’expression et liberté d’insulter ! Revenons pour cela sur l’affaire du film anti-Islam L’innocence des musulmans (2012) et les caricatures contre Mahomet publiées le 19 septembre 2012 par le journal Charlie Hebdo.
Disons-le clairement avant d’aller plus loin. Il est tout à fait légitime de critiquer et d’interpeller l’Islam. De nombreux auteurs – chrétiens ou non – le font avec intelligence et courage. Le témoignage de Joseph FADELLE dans « Le Prix à payer » est de ceux-là. Mais pour interroger une religion et certaines de ses pratiques n’y aurait-il pas d’autres moyens que d’offenser gratuitement ses croyants ?
Liberté
A dire vrai, ce débat avait déjà fait couler beaucoup d’encre et de salive lors des affaires Golgota Picnic et Piss Christ. Les ténors du politiquement correct nous expliquaient qu’il fallait à tout prix défendre la liberté d’expression. Mais comment servir cette fraternité – dont le nom figure sur le fronton de nos mairies – si on se fait à l’évidence l’avocat du droit de blesser son voisin ? On veut à la fois que le monde soit un village et qu’à la fois chacun puisse vivre sans penser à son voisin, en le blessant dans ce qui lui est précieux et sacré. Le droit qui régit ces relations-là a déjà un nom : c’est la loi de la jungle, la loi du plus fort. La majorité, incroyante ou indifférente, impose sa force à la minorité religieuse !
On nous parle de liberté. Du droit absolu et démocratique, de dire et d’écrire ce qu’on veut. Mais de quelle liberté s’agit-il ? La liberté n’est pas le pouvoir de faire ou de dire ce qu’on veut. Dans ce cas, l’Etat devrait permettre le suicide, la conduite en cas d’ivresse ou la diffamation. La liberté, c’est ma capacité à choisir volontairement le bien. Et donc refuser de provoquer et blesser.
Respect
L’actualité récente nous offre providentiellement un précieux enseignement. Le récent voyage de Benoît XVI au Liban donne en effet à cette affaire une clarté nouvelle… et un contre-exemple magistral. On a d’un côté un Pape qui se démène pour la paix, pour la concorde entre juifs, musulmans et chrétiens. De l’autre, un journal qui joue avec le feu.
Au Palais présidentiel de Beyrouth le 15 septembre, Benoît XVI était reçu par le gouvernement mais aussi par toutes les autorités religieuses libanaises, dont les responsables des communautés druze, sunnite, chiite, alaouite. Devant ce parterre de gens si différents, il n’a pas eu peur d’affirmer qu’une société plurielle ne pouvait exister que grâce au respect réciproque. Il n’a pas parlé de tolérance, mais bien de respect, en ajoutant : « la soi-disant tolérance n’élimine pas les discriminations, parfois elle les conforte même ». De fait, tolérance rime avec condescendance ou indulgence. Cela ne permet pas d’aller bien loin. Il faut aller jusqu’au respect. Respecter, c’est avoir le désir de connaître et de dialoguer. D’aller plus en avant, en somme ! Alors, comme logiquement, on ne caricature ni ne blesse plus gratuitement.
Ce n’est pas du syncrétisme que de dire cela. Le Pape rappelle assez souvent que le Christ, aux yeux des chrétiens, est le seul Sauveur. Mahomet n’est pas, pour nous, un envoyé de Dieu. Le Coran n’est pas révélé. Et nous sommes les premiers à encourager les efforts missionnaires de ceux qui partent annoncer le Christ y compris auprès des musulmans. Cela ne nous empêche pas pour autant de respecter ce qui est sacré à leurs yeux, car rien ne justifie qu’on blesse gratuitement ou qu’on dénigre bêtement ce qui donne un sens à la vie de certains.
Journalisme
« Charlie Hebdo n’est pas islamophobe. Simplement opportuniste, cynique et sans scrupules » affirmait sur le réseau Twitter Pascal BONIFACE, le Directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques. Après lui, le libertaire Daniel COHN-BENDIT, se permettait même de lancer un appel : « quand on est sur une poudrière, on a le droit de réfléchir trente secondes si on prend son allumette et si on l’allume». De fait, dans un monde aux équilibres si fragiles, il est immature de dire : j’ai le droit donc je fais. S’il faut bien sûr dénoncer les fondamentalismes et les instrumentalisations, il est contre-productif et parfois criminel de rajouter de l’huile sur le feu.
En écoulant ses stocks en une journée, Charlie Hebdo a rempli ses caisses. Mais, en Egypte, les élèves du collège français du Caire étaient terrés chez eux ce vendredi, jour de la grande prière. Des otages français risquent leur peau. Des religieuses, qui se dévouent auprès des plus démunis dans certains pays arabes, ne pourront pas sortir de leur couvent. Eux ne disent pas merci à Charlie Hebdo …
Soyons clairs : toute réaction violente contre ces occidentaux ou ces chrétiens, et contre les provocateurs eux-mêmes, serait condamnable. On doit lutter contre les fanatiques et les violents. On n’est pas obligé pour autant de les pousser à la faute. A ce stade, ce n’est pas du journalisme : c’est de l’irresponsabilité.
Les Padre