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Loi bioéthique : la parole forte des évêques

Padreblog
17 septembre 2019

A partir du 24 septembre 2019 le projet de révision de la loi de bioéthique est débattu à l’Assemblée nationale. Beaucoup d’entre nous ont peut-être déjà pu suivre les débats en commission. Les évêques de France ont tenu à exprimer clairement leur opposition à ce projet porté par le gouvernement. Plutôt que d’écrire un nouvel article sur le sujet, il nous a paru important de relayer la parole de nos évêques, une parole forte et claire que chacun peut s’approprier pour la relayer à son tour autour de soi, en sachant l’expliquer.

De nouvelles transgressions très graves

Dans un entretien à l’hebdomadaire Famille Chrétienne, Mgr Michel Aupetit pointe deux raisons graves de s’opposer à l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules.

L’une concerne la filiation, qui est bouleversée avec la disparition du père, et la parentalité d’intention qui devient première :

« La « PMA pour toutes » bouleverse la relation entre parents et enfants. Jusqu’à présent, c’est d’abord le lien corporel (ou charnel) qui fonde la filiation. Nous sommes fils ou fille de ceux qui nous ont engendrés dans la chair. Ceci est source d’une solidarité qu’on ne mesure pas suffisamment, car on prend soin de la chair de sa chair. Avec le projet de loi, on met en avant la seule volonté de ceux qui ont un projet d’enfant. L’enfant devient l’otage du bon vouloir tout-puissant de ceux qui se sont désignés comme ses parents. La différence avec les parents qui adoptent un enfant est que ces derniers n’ont pas voulu le priver de sa filiation charnelle. Priver volontairement un enfant de ses origines est un profond mépris du droit des enfants à connaître et à être élevés par leur père et leur mère comme le demande la Convention internationale des droits de l’enfant de l’ONU (art. 7). »

L’autre concerne la médecine, dont le rôle est détourné :

« Il y a un détournement de la médecine et de sa raison d’être qui est de soigner. Il s’agit seulement de faire droit à des désirs particuliers de personnes qui ne sont pas malades ni infertiles. Le médecin devient un technicien du désir, un prestataire de service. Il est indécent que la Sécurité sociale rembourse ce qui n’est pas un soin, alors que, par ailleurs, on supprime le remboursement de médicaments indispensables. »

Mgr Michel Aupetit

Mgr Aupetit dénonce aussi la libéralisation de la recherche qui utilise (et donc détruit) des embryons :

« Nous assistons à un véritable eugénisme. Depuis trente ans, on confie la conception de certains enfants à la technique médicale et nous nous sommes totalement habitués à l’élimination des embryons surnuméraires et à leur tri sélectif, eux qui sont pourtant des êtres humains semblables à nous. Le projet de loi prévoyait initialement la suppression de tous les embryons proposés à l’accueil antérieurement à la loi, soit 12 000 embryons supprimés. Madame la Ministre de la Santé, prenant conscience de la gravité de cette décision, a décidé d’attendre. Un embryon humain devient un matériau disponible et cela est proprement monstrueux. La technique a sa propre logique : qualité, efficacité et rentabilité. Il vaut mieux aujourd’hui être une larve de scarabée qu’un embryon humain. Il y a derrière ces projets, sous l’apparence fallacieuse du progrès, un marché de la procréation qui couvre des appétits financiers tout à fait scandaleux. »

Le droit à l’enfant et la toute-puissance du désir face à notre condition humaine et ses limites

C’est ce qui inquiète Mgr Eric Aumonier, évêque de Versailles, qui précise :

« L’argument de l’égalité invoqué pour justifier cette révision de loi ne tient pas. Le Conseil d’Etat l’a souligné en 2018. Il ouvre en prime inévitablement à la légalisation de la Gestation pour Autrui (GPA) pour accéder demain au désir tout aussi sincère des couples d’hommes d’accéder à la parentalité (…) Lever par la loi le critère d’infertilité, accroître la technicisation de la procréation, et la soumettre peu à peu à la loi du marché semble consacrer un droit à l’enfant et bientôt à l’enfant parfait. L’enfant risque de ne plus être reçu comme un don avec son caractère propre et ses fragilités, mais comme un dû. (…) Consacrer la « toute puissance » du désir individuel, parce qu’il serait sincère, ne peut que nous entraîner vers de nouvelles dérives et fragilise le bien commun. Nous avons besoin de repères structurants pour notre société, de repères qui protègent les plus faibles. Ce projet de loi les abîme encore un peu plus ».

Face à cette attitude, Mgr Aumonier encourage à une conversion du regard sur nos limites :

« Apprenons à accueillir ensemble ces limites liées intimement à notre condition humaine. Elles nous rendent vulnérables et donc dépendants les uns des autres. Elles sont un appel à la fraternité et au soutien mutuel. Elles nous invitent à rechercher d’autres chemins de dons et d’autres fécondités ».

Des transgressions qui appellent à la mobilisation de tous

Les évêques rappellent que leur rôle est d’abord d’éveiller les consciences et de les alerter. Ils appellent les catholiques à trois choses : se former pour être capable d’expliquer autour d’eux les enjeux et les conséquences de cette loi, et leur gravité ; encourager les élus à protéger les repères fondamentaux qui soutiennent notre société et enfin à se mobiliser.

Mgr Eric Aumonier

Sous quelles formes se mobiliser ? L’évêque de Versailles souligne que c’est justement la liberté et la responsabilité des laïcs de discerner les différentes formes adéquates et efficaces que peut prendre cette mobilisation :

« Il ne me revient pas de définir la forme que cet engagement doit prendre. Cela appartient au discernement personnel. C’est justement la responsabilité́ et la liberté́ de chacun, comme chrétien et comme citoyen, d’inventer les façons concrètes les plus justes de promouvoir ce bien commun et de le défendre ».

Sur l’opportunité pour les citoyens de manifester dans la rue contre ce projet, l’archevêque de Paris explique :

« Tout le monde ne peut pas prendre la parole publiquement. Les évêques le font et souvent peuvent s’exprimer dans les médias. Ils sont reçus par les autorités devant lesquelles ils portent leurs préoccupations en s’appuyant sur des arguments fondés en raison pour pouvoir être écoutés. En revanche, la plupart des citoyens n’ont souvent pour seul moyen d’expression que la manifestation publique. Ils doivent pouvoir s’exprimer. Donc cette démarche est, non seulement licite, mais vraiment utile ».

A l’issue de la conférence aux Bernardins du lundi 16 septembre, Monseigneur Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des Evêques de France (photo ci-contre), expliquait à la presse que ce n’est pas à l’Église, comme institution, d’organiser des manifestations, mais qu’il « approuve le fait que des citoyens français manifestent qu’ils sont inquiets de ce que le projet de loi prévoit ». Il ajoute même : « Personnellement, je ne vois pas comment nous pourrions empêcher des citoyens, catholiques ou non, inquiets de ce projet de loi, de manifester s’ils pensent que c’est un moyen utile pour se faire entendre» ; « J’aurais même tendance à dire qu’ils ont le devoir de le faire ».

Quelques précisions pour conclure…

Ajoutons quelques précisions pour nos lecteurs, qui nous semblent importantes :

1. L’Église a déjà eu l’occasion d’expliquer les graves questions éthiques que pose la procréation médicalement assistée et les raisons pour lesquelles elle ne peut y consentir. Mais nous étions encore dans l’idée de soigner. L’Église voit dans l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules une nouvelle transgression, pour les deux raisons avancées plus haut par Mgr Aupetit.

2. « Dénoncer ces transgressions et alerter sur leurs conséquences ne revient pas à juger ni condamner les personnes qui y sont favorables ou qui y auraient recours » comme le rappelle Mgr Aumonier dans son communiqué. Nous accuser du contraire – comme nous l’avons parfois entendu – ne sert qu’à interdire tout débat, en culpabilisant toute opposition.

Questionner les modes de procréation que la loi permet ne nous empêche pas non plus de nous réjouir de toute vie, car toute nouvelle vie est une bonne nouvelle et un don de Dieu. Partager nos convictions ne nous empêchera jamais d’accueillir et d’accompagner chaque personne, chaque famille telle qu’elle est et dans ce qu’elle vit. La fidélité à l’Évangile impose de faire l’un et l’autre, jamais l’un sans l’autre.

De même, il y a une exigence de crédibilité pour nous chrétiens, qui nous impose d’assumer le fameux « tout est lié » du pape François. On ne peut séparer la défense de la famille de la défense de la création, la protection de l’enfant à naître de la protection du plus pauvre quelle que soit son origine. C’est une conversion que nous avons tous à vivre, car nous sommes rarement complètement cohérents sur ce sujet.

Les catholiques auront enfin à cœur de vivre ce débat et cette mobilisation en ayant le souci et l’exigence de concilier le témoignage à rendre à la vérité, la recherche authentique de celle-ci et la pratique d’une charité inconditionnelle vis-à-vis des personnes, quelles que soient leurs convictions. C’est à cette charité que nous serons jugés. C’est aussi cette charité qui peut ouvrir les coeurs et les intelligences.

Notons pour finir que les arguments développés par les évêques, et par les catholiques en général, ne sont pas d’abord confessionnels – et donc disqualifiés aux yeux de certains – mais fondés sur la raison et donc accessibles à tous. Cela ne nous empêche pas d’être aussi éclairés par notre foi.

3. Beaucoup se disent que tout est déjà plié, que cela ne sert à rien de se mobiliser, que non seulement nous ne serons pas écoutés, mais que nous serons même caricaturés et dénigrés encore un peu plus. Certains s’inquiètent aussi pour l’image de l’Église qui sera vue comme toujours plus ringarde par les médias.

Bernanos écrivait lui aussi : « Le démon de mon cœur s’appelle « A quoi bon ? ». A cette tentation bien légitime du découragement, comme à ceux qui pointent déjà la défaite à venir, nos évêques répondent chacun à leur façon. Mgr Aupetit rappelle ainsi :

« C’est une question d’espérance. Celui qui reste fidèle au Ressuscité n’est jamais vaincu. Même si la loi venait à passer, nous pourrons être fiers d’avoir contribué à la réflexion et au témoignage de la vérité. Nous ne nous mobilisons pas seulement pour l’immédiat, mais pour l’avenir, car la dignité de l’homme est inaliénable. L’Histoire montre que ce sont les résistants qui transforment le monde, la masse des moutons indifférents ou résignés ne change rien ».

Après avoir invité les uns et les autres à prier, Mgr Aumonier ajoute :

« Nous ne cherchons pas une victoire politique, nous parlons et agissons pour les générations qui viennent, pour préserver ce qui doit demeurer, par fidélité à ce que nous sommes et avons reçu. Le Christ ne nous demande pas de « gagner » mais de servir. C’est notre seule motivation. Demain prouvera qu’il était important de ne pas y renoncer ».

[Photo : Capture d’écran de la conférence sur la loi bioéthique organisée par les évêques de France le 16/09/2019]

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