Politique chrétienne ou chrétiens en politique ?
Y a-t-il une politique spécifiquement chrétienne ou seulement des chrétiens engagés en politique ? A quelques jours des élections départementales 2015, voici quelques éléments de réflexion afin d’accompagner le retour des jeunes générations de catholiques dans la vie politique.
Jusqu’aux années 70, les chrétiens engagés en politique avaient d’abord le souci d’un comportement moral irréprochable exempt de toute corruption, avec un train de vie exemplairement sobre. Il y avait là, comme dans la vie professionnelle en général, un sens aigu du devoir d’état et une sorte d’esthétique morale. Mais en revanche, c’est d’ailleurs un peu le revers de cette belle médaille, on ne vérifiait pas toujours l’exacte cohérence des décisions politiques avec la morale chrétienne : on était alors capable de mettre de côté ses convictions chrétiennes pour la cause du moment…
Aujourd’hui, après ces générations d’anciens qui ont fait, d’une manière parfaitement intègre, une politique parfois décevante en matière morale (qu’on pense aux lois sur le divorce, l’avortement ou plus récemment le travail du dimanche), la jeune génération issue des mobilisations de « la Manif pour tous » est convaincue de vouloir s’engager au service d’un programme politique au contenu résolument chrétien (défense de la vie, de la famille, etc.). Mais elle oublie quelquefois la manière chrétienne d’œuvrer en politique.
Pour les philosophes grecs la politique était davantage un art qu’une science. Au livre VI de La République, Platon décrit les qualités morales du souverain qui doit être vertueux, sage, et surtout philosophe. Dans cette veine-là, l’effort de l’homme politique d’aujourd’hui porterait d’abord sur la manière chrétienne et morale de faire de la politique. Mais la politique, selon l’acception moderne des Lumières (Hobbes, Rousseau, etc.), est surtout une science. Dans cette perspective-là le catholique engagé en politique insistera davantage sur un contenu politique conforme au droit naturel et à la morale chrétienne.
Qu’est-ce qu’une politique chrétienne ?
Comme le rappelait Benoît XVI, « l’objet principal des interventions de l’Eglise catholique dans le débat public porte sur la protection et la promotion de la dignité de la personne et elle accorde donc volontairement une attention particulière à certains principes qui ne sont pas négociables » (Discours aux parlementaires européens du PPE, 30 mars 2006).
Ce qu’on pourrait appeler une politique chrétienne serait une politique au service du bien commun avec quelques points d’attention en matière morale, on dirait aujourd’hui « sociétale » :
– elle donne une place privilégiée à l’homme en toutes ses dimensions (corporelle, intellectuelle mais aussi spirituelle, trop souvent oubliée). C’est-à-dire une juste place pour l’homme par rapport au système (l’homme n’est pas seulement un élément au service du tout mais le transcende), à l’économie (l’homme ne se réduit pas à n’être qu’un acteur économique : producteur / consommateur), au monde (l’homme doit dominer la terre sans la détruire).
– elle a un souci pour les plus faibles : les enfants à naître, les pauvres, les exclus, les personnes âgées.
– elle se met au service des familles. Le mariage monogame et fidèle et le modèle familial qui en est issu sont des biens de civilisation apportés par le christianisme.
– elle a le souci de la justice, y compris entre nations (notamment entre le Nord et le Sud).
Mais nous le savons bien, avoir de bonnes idées ne suffit pas, encore faut-il avoir le talent de les expliquer, de convaincre, de remporter honnêtement le combat électoral, de mettre en œuvre avec prudence les justes réformes… Un art de faire de la politique que la morale chrétienne peut soutenir.
Qu’attendre des chrétiens en politique ?
Il y a en effet une manière vertueuse et chrétienne de vivre l’engagement politique, qui constitue, par fidélité à l’Evangile, une sorte de différence spécifique dans l’exercice de cet art :
– mener le combat électoral avec loyauté et charité (eh oui, la charité est de mise, même en politique !), en sachant également reconnaître le bien et le vrai chez l’adversaire.
– exercer un mandat dans un esprit de service, non seulement d’une manière désintéressée mais aussi par une présence assidue et efficace.
– être d’abord au service du bien commun avant de se soucier de son propre bien et même du bien de sa famille politique ou son parti.
Voilà ce que disait le Pape François le 16 septembre 2013 lors d’une homélie : « Chaque homme et chaque femme qui assume une responsabilité de gouvernement doit se poser ces deux questions : est-ce que j’aime mon peuple pour mieux le servir ? Est-ce que je suis humble au point d’écouter les opinions des autres pour choisir la meilleure voie ? ».
Alors, politique chrétienne ou chrétiens en politique ? Les deux assurément ! Ensemble, ils constituent sans doute une piste pour essayer de faire de la politique autrement… Plus facile à dire qu’à faire, mais nous l’écrivons comme un encouragement pour tous les chrétiens qui ont l’audace de s’engager dans la vie politique !