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Saint Joseph : la force tranquille

Abbé Pierre Amar
05 janvier 2021

Depuis le 1er janvier 2021, nous sommes entrés dans une « année spéciale saint Joseph ». Voulue par le pape François – qui a publié à cette occasion une magnifique lettre apostolique – elle nous permettra certainement de mieux connaître l’un des hommes les plus discrets de la Bible. Explications.

N’importe quel curé de paroisse vous confiera qu’une statue de saint Joseph connait une incontestable popularité. Dans le top 5 de la dévotion paroissiale, l’époux de Marie mérite sa place sur le podium avec saint Antoine de Padoue, sainte Rita et sainte Thérèse de Lisieux. La Vierge Marie est bien évidemment championne hors catégorie…

Saint Joseph est le saint de la force tranquille, discrète mais efficace. Cette force mise en valeur par la pandémie du Covid-19, qui nous a fait réaliser l’importance des personnes plus ordinaires. Éloignées des projecteurs, elles font souvent preuve de patience et insufflent l’espérance. C’est un peu le portrait de saint Joseph : « l’homme qui passe inaperçu, l’homme de la présence quotidienne, discrète et cachée » et qui, pourtant, « joue un rôle inégalé dans l’histoire du salut » écrit le pape. Ceux qui ont peur de l’avenir et des temps troublés trouveront en lui un intercesseur tout désigné.

Ce qu’on sait et ce qu’on pense

On ne sait que peu de choses sur l’époux de Marie. Il est d’abord issu d’une famille royale puisqu’il est l’un des descendants du roi David. On sait encore qu’il est le fiancé de Marie et qu’il a aussi différents songes qui lui révèlent plusieurs choses : que sa fiancée est enceinte par l’opération du Saint-Esprit ou alors qu’Hérode veut tuer l’enfant Jésus. On sait enfin qu’il est artisan puisque l’évangile de saint Matthieu le présente comme un charpentier. A vrai dire, l’original grec dit « tekton » qui a une signification bien plus large : le « tekton » est un artisan qui travaille non seulement le bois mais aussi les métaux ou la pierre, peut-être même qu’il évoque un maçon ou un architecte. En tout cas, un homme à la fois habile et sage. La dernière fois où son souvenir est évoqué, c’est lors d’un pèlerinage à Jérusalem où le jeune Jésus, qui a alors douze ans, est perdu puis retrouvé. Après… on ne sait plus rien.

Dans sa lettre apostolique, qu’il faut vraiment lire, le pape prend le temps de décrypter les différents moments où sa présence de père adoptif et d’époux est si précieuse. On sent un homme qui connait les galères habituelles de tout père de famille : être sur des routes plus ou moins bien famées, trouver un logement, subvenir aux besoins de la famille (l’or des mages a dû être reçu comme un magnifique cadeau de la Providence !) ou encore gérer ses affaires. Rajoutons à tout cela les difficultés liées à sa vocation unique comme le secret de Marie, sa probable incompréhension devant son voeu de virginité, la perte de l’enfant Jésus pendant trois jours, alors que Dieu lui-même le lui avait confié, et enfin – paradoxe absolu – s’enfuir de la Terre promise pour protéger l’enfant de la Promesse !

Saint Joseph de la marche (DR Luc de Moustier)

Ce que l’on pense, c’est que Joseph est un pur choix gratuit de Dieu et qu’il a été le témoin privilégié de la naissance et de l’enfance du Christ. Comme beaucoup d’entre nous, il a certainement dû se poser cette question : « Pourquoi moi ? ». C’est la question que les prêtres et les consacrés se posent souvent. Pourquoi moi ? Pourquoi moi plutôt que tel/telle autre qui semble bien meilleur(e) que moi ? Mais c’est aussi la question que nous nous posons tous devant une grâce à recevoir ou une épreuve à vivre. Nous n’aurons la réponse qu’une fois arrivés là-haut : toute vocation, tout appel de Dieu, est un don et un mystère. Et toute croix que Dieu permet est une énigme qui nous invite à faire un acte de foi et d’espérance.

On pense aussi que saint Joseph n’a reçu aucun privilège spécial. Ainsi, les catholiques ne croient pas qu’il ait été préservé du péché originel, à l’inverse de Marie. Il a « juste » reçu la vocation unique et exceptionnelle d’être le père adoptif, nourricier, du Christ. Cela lui donne une place unique dans la liste des saints. Quel dommage que l’iconographie chrétienne le représente le plus souvent sous des traits un peu mièvres, âgé et chauve, alors qu’il devait être jeune, vigoureux et en pleine santé !

Une figure vers qui se tourner

Saint Joseph a tout sacrifié. Sa tranquillité d’abord, afin de s’occuper de l’enfant de Marie. Mais aussi son honneur, puisqu’il était le père d’un enfant qui n’était pas de lui. Un texte résume bien tout cela : celui des « Litanies de saint Joseph », qui est à la fois une poésie et une prière. On y découvre la place singulière de cet homme, pécheur et faible comme nous tous, dans le plan de Dieu. On comprend mieux aussi pourquoi sa figure est si populaire. Il est en effet le saint patron des familles, des pères de famille, des artisans, des menuisiers, des ébénistes, des charpentiers, des bûcherons, des tanneurs, des tendeurs, des travailleurs, des voyageurs et des exilés… ! Il est aussi l’homme qui surmonte les tribulations et les épreuves (qui d’entre nous n’en a pas ?), un message que le pape résume en ces mots :  « La vie spirituelle que Joseph nous montre n’est pas un chemin qui explique, mais un chemin qui accueille ».

Beaucoup d’hommes invoquent le chaste époux de Marie dans les combats de la pureté, lui qui est présenté (toujours dans les litanies) comme la « terreur des démons ». Chaque année, les pèlerins affluent à la « marche de saint Joseph ». Il est surtout le patron des mourants, puisqu’il a eu la chance de mourir on ne peut mieux entouré : entre Marie et Jésus, la compagnie idéale pour entrer dans la Vie ! Nombreux sont ceux qui n’hésitent pas à lui demander son aide pour toutes les choses matérielles de la vie. Les sanctuaires de Cotignac (Var) ou d’Espaly (Haute-Loire) reçoivent un abondant courrier à son nom : chaque lettre est déposée au pied de sa statue et nombreux sont ceux qui affirment avoir reçu de grandes grâces du saint de la force tranquille, qui – d’ailleurs – ne manque pas d’humour ! Le père nourricier de Jésus semble même s’être spécialisé dans la gestion des problèmes de famille, de travail ou de logement. Sainte Thérèse d’Avila disait un jour que saint Joseph ne lui avait jamais rien refusé. Donc, n’hésitons pas !

Pour aller plus loin :

– Le texte, simple, court et accessible, du pape François : « Patris corde ».

– En bonus, un modeste spectacle familial sur saint Joseph, en forme de conte de Noël !

[Illustration : statue de saint Joseph, église Saint-André de l’Europe, Paris 8ème]

Abbé Pierre Amar

Abbé Pierre Amar

Diocèse de Versailles, ordonné en 2002. Licencié en droit et en théologie. Auteur de "Internet, le nouveau presbytère" (Artège, 2016), "Hors Service" (Artège 2019), "Prières de chaque instant" (Artège 2021) et de divers spectacles (Jean-Paul II, Charles de Foucauld, Madame Elisabeth). De 2013 à 2018, il anime l'émission "Un prêtre vous répond" sur Radio Notre-Dame. Depuis sept. 2019, il répond à "Pourquoi Padre ?" sur KTOtv.

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