Microphone

Téléthon : le compte éthique n’y est pas

Abbé Pierre-Hervé Grosjean
05 décembre 2013

Chaque année, le premier week-end de décembre, a lieu le Téléthon, cette belle manifestation largement promue et encouragée par les médias et le milieu du showbizz. L’élan de générosité des Français est admirable et le dévouement de nombreux bénévoles ne peut qu’être souligné. Et pourtant, un point important nous empêche de partager pleinement cette initiative : ça coince encore au niveau éthique. Pour deux raisons essentielles.

1- Certaines recherches financées par le Téléthon concernent l’utilisation de cellules souches embryonnaires qui se traduit nécessairement par la destruction d’embryons humains. Ces recherches n’ont en plus jamais réellement montré leur efficacité.

2- Les bébés du Téléthon qu’on nous présente en pleine santé sur les plateaux de télévision ne sont pas des « bébés guéris » mais sont issus d’un tri embryonnaire. Celui-ci a permis de sélectionner – parmi des embryons conçus in vitro – ceux qui n’étaient pas porteurs de la maladie, et de supprimer les autres. Pour le dire encore plus clairement, pour supprimer la maladie, on a supprimé les malades…

Interpeller les consciences

Dans ces deux cas, l’intention est bonne : celle de trouver des solutions et des remèdes, ou de permettre à des parents de donner la vie à des enfants qui ne sont pas malades. Mais la fin ne justifie jamais tous les moyens. En particulier quand il s’agit de respecter la vie.

L’Eglise ne peut rester muette devant ces graves dérives qui posent de redoutables questions éthiques. Loin d’ignorer la souffrance des familles, elle veut accomplir sa mission, qui est celle d’interpeller les consciences, au service de la Vérité.  Ce qui est techniquement possible n’est pas forcément moralement souhaitable.

De nombreux évêques ont déjà interpellé les responsables du Téléthon, sans réponse satisfaisante de leur part. Le communiqué de l’évêque de Bayonne, très clair, fait partie de ceux-là.

Pour approfondir les difficultés éthiques, on peut également télécharger ici cette présentation proposée par la Fondation Jérôme Lejeune. Elle est très précise, autant d’un point de vue scientifique qu’éthique, tout en restant facile d’accès.

Des solutions possibles

Le geste a minima que le Téléthon pourrait faire, et qui nous permettrait de nous associer plus facilement à cette collecte, serait d’accepter le fléchage des dons.  Beaucoup d’autres associations proposent cette possibilité. Chaque donateur pourrait ainsi décider d’exclure tel ou tel programme de recherche au moment d’effectuer un don. Voilà une décision simple, qui prouverait un vrai souci de compréhension.

Pour l’instant, le Téléthon oppose à ces demandes le simple rappel de son caractère laïque et de son respect de la législation en vigueur (ici). Rappelons à notre tour, tout aussi simplement, que notre demande n’est pas confessionnelle : la simple raison humaine suffit à constater le problème éthique qui se pose.

Mais surtout, ce qui est légal n’est pas forcément moral. On ne peut que s’attrister en constatant qu’une majorité des députés ait voté la loi autorisant la recherche sur l’embryon. Mais ces mêmes députés n’ont en aucun cas le pouvoir quasi-magique de rendre moral et juste ce qui ne l’était pas avant eux. Ils l’ont seulement rendu légal, ce qui est très différent. Et le problème éthique reste entier.

Aussi serait-ce une belle preuve de générosité de la part du Téléthon d’admettre cette difficulté pour certains de ses donateurs, et d’y remédier. A moins qu’il n’y ait des donateurs dont la recherche préfère se passer ?

Heureusement, beaucoup d’autres associations s’engagent au service de la recherche respectueuse de l’être humain et des malades. Parmi tant d’autres, citons en particulier la Fondation Lejeune qui lutte contre les maladies génétiques de l’intelligence. A nous de les soutenir généreusement !

Abbé Pierre-Hervé Grosjean

Abbé Pierre-Hervé Grosjean

Diocèse de Versailles, ordonné prêtre en 2004. Curé de Montigny-Voisins. Responsable des questions politiques, de bioéthique et d'éthique économique pour le diocèse de Versailles. Auteur de "Aimer en vérité" (Artège, 2014), "Catholiques, engageons-nous !" (Artège 2016), "Donner sa vie" (Artège 2018), "Etre prêt" (Artège, 2021).

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