Voyage dans l’au-delà
Le monde contemporain est en difficulté avec la mort. Les euphémismes sont partout requis pour parler de nos « chers disparus », qui « ne sont plus là » car ils « nous ont quitté ». La mort est un gros mot et une obscénité sociale. On cherche à l’occulter, en lui donnant les apparences de respectabilité d’une froide maîtrise : incinérations hygiéniques, gestion du deuil par étapes infrangibles et, ailleurs qu’en France (pour l’instant !), mort en blouse blanche, mais garantie « sans douleur » et surtout « dans la dignité »…
La mort, occultée et fascinante
La mort taboue, invention du XXème siècle, comme le disait Philippe Ariès dans son excellente Histoire de la mort en occident (Seuil, 1975. Rééd. « Points histoire », 1977), est en même temps mort fascinante. Outre l’engouement contemporain pour les zombies et autres utilisations gore des cadavres dans les films d’horreur, c’est la destinée des trépassés qui pose question à nos contemporains. Qu’advient-il de la personne lorsque le corps gît ? Near Death Experiences, spiritisme, voyance… tout est bon pour essayer de percer le mystère de l’après-vie avec un regard « scientifique ».
Pourtant, rien de ce qui est écrit avec des prétentions de vérité sur la vie d’après la mort ne semble sérieux ni constructif. Le Christ lui-même, seul à être revenu d’entre les morts, ne dit rien de l’expérience du passage qui reste enfoui dans le mystère du samedi saint.
Un roman pour dire ce que l’intelligence froide ignorera toujours
Là où les concepts et le langage des sciences dures sont sans voix, seuls les artistes semblent avoir une parole audible. Dans son troisième roman, Ils nous ouvriront les portes du paradis, Guillaume Sébastien présente le voyage de la mort avec un œil de poète, sans prétention de connaissance mais tout en imagination et en suggestion. Voilà l’histoire d’un homme qui meurt trop jeune, et qui dans la mort, découvre toute l’ampleur du réseau des relations qu’il a tissé tout au long de sa vie, par le bien et le mal qu’il a fait ou subi. Le chemin vers la paix passe par le regard posé du ciel sur toute la vie de Ronan, cet homme dont la mort – autant que la vie – marque sa famille et tant d’autres qu’il a croisés, sans même s’en rendre compte parfois. Nos vies sont faites de tous ces contacts, de toutes ces relations qui peu à peu nous façonnent. La foi nous enseigne qu’elles ont chacune un poids d’éternité, pour notre salut ou notre perte, et notre expérience spirituelle et psychologique nous l’enseigne déjà ici-bas.
Le roman de Guillaume Sébastien nous aide à prendre conscience que la mort et la vie Éternelle ne sont pas des expériences de science-fiction mais bien des actes humains, une expérience personnelle qui sera la nôtre et que nous préparons chaque jour par le soin de nos rencontres et la beauté de notre vie.
Pour qu’une réflexion sur la mort soit bonne, il faut qu’elle aide à mieux vivre. Ce livre est sans doute, selon ce critère, une bonne lecture, sans désespoir ni mièvrerie, une hymne à la vie qui conduit à la Vie.
[Guillaume Sébastien, Ils nous ouvrirons les portes du paradis, Edition des Béatitudes, 2016, 177 pages]