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La communion de désir

Abbé Pierre Amar
01 mars 2020

Les récentes précautions pour les assemblées eucharistiques, recommandées par nos évêques dans le cadre de la lutte contre le Coronavirus Covid-19, ont marqué les esprits. Il semble que la situation est aussi l’occasion d’évoquer une habitude très ancienne dans l’Eglise, assez connue dans d’autres régions du monde : la communion de désir. Explications.

Peu le savent : l’Eglise n’oblige en effet personne à communier. Il est même requis de communier (et de se confesser) au minimum une fois par an, si possible à Pâques.

Indépendamment de cette règle, et comme le déclare le Concile Vatican II (SC 55), la communion fréquente est recommandée par l’Eglise latine, et c’est peut-être une particularité. Car, en Orient, le lien à la communion est beaucoup plus réservé, tout comme est absente l’adoration eucharistique. Ainsi, depuis environ un siècle, s’est développée la possibilité de recevoir habituellement le Seigneur dans la communion, entraînant un appétit sacramentel louable et fécond. Cependant, la communion n’est pas un dû, mais un don. C’est pourquoi, lorsqu’on en est empêché pour différentes raisons, l’Eglise a toujours encouragé ce qu’elle appelle la communion spirituelle.

Un précédent célèbre

Madrid, aéroport de « Cuatro Vientos », 21 août 2011. La messe de clôture des JMJ bat son plein quand une nouvelle se répand comme une traînée de poudre parmi les responsables de délégations : il n’y aura pas de communion eucharistique. L’orage qui a violemment mais momentanément interrompu la veillée de prière quelques heures auparavant a emporté les diverses chapelles où étaient stockées les hosties consacrées. Les chapelles sont inaccessibles et les organisateurs manquent de temps pour tout remettre en ordre. On a donc pris la décision de ne pas donner la communion aux deux millions de participants. Pour les nombreux prêtres présents, c’est l’occasion d’une catéchèse express sur la communion spirituelle, aussi appelée « communion de désir ».

Dieu se donne à la mesure de notre désir

Il existe déjà un « baptême de désir » qui réside dans le souhait explicite de recevoir le sacrement alors qu’on en est empêché : il produit les mêmes effets que le baptême sacramentel (cf. CEC 1258). La communion spirituelle participe de la même réalité : désirer communier de tout son cœur, le manifester explicitement dans la prière et/ou l’attitude  corporelle, constitue une communion de désir qui produit de grands effets spirituels. Saint Thomas d’Aquin précise même que tout se passe « comme si on l’avait reçu » et ajoute : « Comme l’autre communion. (…) elle soutient, fortifie, répare et réjouit ».

La communion spirituelle est en fait une réalité pour beaucoup de chrétiens dans le monde : les personnes âgées ou malades qui n’ont que la messe à la télévision ou à la radio, ou encore les chrétiens persécutés pour leur foi. En Amazonie, pour reprendre une récente actualité ecclésiale, la communion spirituelle est même très habituelle, tant le manque de prêtres est criant et les églises où la messe est célébrée parfois trop éloignées de certains villages.

Finalement, le moteur est toujours le même : l’union au Christ qui se donne. Ce Christ qui ne se reçoit qu’à la mesure de notre désir. Plus nous le désirons, plus il s’installe dans nos vies pour les changer et les faire ressembler à la sienne. De telle sorte que nous puissions dire avec saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20).

« Viens Seigneur »

Les pères du désert communiaient très peu. Pendant le Carême 1211, saint François d’Assise partit lui-même pendant quarante jours sur une île du lac de Pérouse, avec deux petits pains. Dans le jeûne et la prière, lui qui a écrit tant de beaux textes sur la dévotion eucharistique, se priva de messe et de communion pour se préparer à Pâques. Au Carmel de Lisieux, du temps de sainte Thérèse, on ne communiait pas tous les jours. Dans sa magnifique prière d’offrande à l’amour miséricordieux, Thérèse dit d’ailleurs sa souffrance de ne pouvoir communier aussi souvent qu’elle le voudrait.

Et si cette période inédite de précaution sanitaire nous renouvelait à la fois dans notre désir d’avoir « faim du Christ » et aussi dans notre façon de communier ? Nous nous avançons parfois au pied de l’autel dans de médiocres dispositions, par habitude, machinalement. On peut même penser qu’une communion spirituelle vécue avec ferveur peut produire plus de fruits qu’une communion sacramentelle tiède ! Dans le même esprit, cette privation peut nous aider à prendre conscience de la situation dans laquelle vivent tant de nos frères empêchés de communier et qui le désirent pourtant de tout leur cœur. Nous grandirons ainsi tous dans le mystère de la foi et l’amour de l’Eucharistie !

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Pour aller plus loin :

– une prière pour vivre la communion spirituelle :

« Puisqu’il ne m’est pas donné de te recevoir dans cette hostie Seigneur, je te sais assez puissant pour que tu te donnes à moi autrement. Mon cœur te désire, Viens Seigneur ! Amen ».

l’instruction « Memoriale Domine » (29 mai 1969) sur les différentes manières de communier.

Abbé Pierre Amar

Abbé Pierre Amar

Diocèse de Versailles, ordonné en 2002. Licencié en droit et en théologie. Auteur de "Internet, le nouveau presbytère" (Artège, 2016), "Hors Service" (Artège 2019), "Prières de chaque instant" (Artège 2021) et de divers spectacles (Jean-Paul II, Charles de Foucauld, Madame Elisabeth). De 2013 à 2018, il anime l'émission "Un prêtre vous répond" sur Radio Notre-Dame. Depuis sept. 2019, il répond à "Pourquoi Padre ?" sur KTOtv.

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