Les pieds sur terre, et la Tête au Ciel !
Avoir la tête au Ciel. Voici, au sens propre ce que nous célébrons en ce jour de l’Ascension du Christ : Jésus, la tête du Corps que nous formons, monte au Ciel, auprès de Dieu le Père. L’Église a donc la tête au Ciel ! Nos yeux de chair voient l’Église terrestre, faite de pécheurs pardonnés, notre regard de Foi nous offre aujourd’hui de voir plus que cela, et cette vérité de Foi augmente notre joie et fortifie notre Espérance. Voici pourquoi.
Si la tête passe, tout passe
Une des épreuves d’entrainement à laquelle sont soumises les forces spéciales de l’armée consiste à s’échapper d’une salle plongée dans l’obscurité dont on ne connaît pas l’issue. La force et l’ingéniosité du groupe sont mises à profit pour explorer à tâtons le moindre centimètre carré des parois de la salle. Puis, on découvre au plafond un passage étroit entre deux barreaux, trop étroit semble-t-il pour les corps robustes de ces hommes. L’un d’eux essaye alors, faute de meilleures solutions, de passer la tête dans l’étroit passage et constate que cette partie du corps passe tout juste en largeur, mais il se décourage bien vite voyant que, malgré ses efforts, le reste ne passe pas : il essaye toutes les contorsions possibles mais rien n’y fait. Alors, un de ceux qui sont un peu en retrait se rappelle une des phrases martelées par l’instructeur : « si la tête passe, tout passe », et la répète avec la force de celui qui craint pour sa vie et celles de ses camarades. Le premier de cordée, revigoré par ce souvenir des bons conseils de l’instructeur, tente à nouveau de forcer le passage, prenant appui sur l’un ou l’autre de ses frères d’arme. À sa grand surprise – au prix de quelques égratignures, c’est vrai – il se voit progresser dans l’étroit passage et, comme attiré par le monde lumineux de l’extérieur et son bon air frais, tout le corps du gaillard suit sa propre tête que rien n’arrête. En quelques minutes, il se retrouve pleinement libre de l’autre côté, et se met à encourager les autres sur ce même chemin étroit mais pas bouché. Il est bien passé, lui, les autres suivront. Son exemple est une garantie.
Le Christ est, pour nous, celui qui est déjà passé de l’autre côté et qui nous encourage en nous disant : « mets tes pas dans les miens et tu y arriveras ». Cette promesse n’est pas vaine car c’est le Christ, vraiment homme, qui est entré au Ciel. Ainsi, il offre à notre humanité une place auprès du Père et un chemin pour y accéder. Mais il est aussi la tête, celui qui donne cohérence à tout le Corps et le précède sur le chemin. Si lui qui est la tête est bien passé, alors son Corps, dont nous sommes les membres par le baptême, est appelé à le suivre et en a la capacité effective : « si la tête passe, tout passe ».
Contempler pour espérer
Contempler aujourd’hui le mystère de l’Ascension fait donc jaillir en nous une incroyable Espérance : celle de rejoindre un jour le Christ au Ciel. La lettre aux Hébreux utilise une autre image pour évoquer « cette Espérance : nous la tenons comme une ancre sûre et solide pour l’âme ; elle entre au-delà du rideau, dans le Sanctuaire où Jésus est entré pour nous en précurseur » (He 6, 19-20). L’entrée du Christ au Ciel est pour nous comme une ancre qui, parce que nous sommes son Corps, nous relie de façon certaine à ce Ciel pour lequel nous sommes faits. Depuis le Ciel où il règne maintenant, il se tient et intercède « pour nous devant la face de Dieu » (He 9, 24). Ainsi, « c’est avec assurance que nous pouvons entrer dans le véritable sanctuaire grâce au sang de Jésus : nous avons là un chemin nouveau et vivant qu’il a inauguré en franchissant le rideau du Sanctuaire » (He 10, 19-20).
Espérer pour vivre une vie nouvelle
Ce chemin nouveau que le Christ ouvre aujourd’hui pour chacun d’entre nous, c’est celui qui mène au Ciel ! Dès aujourd’hui nous savons qu’auprès de Dieu existe une place pour notre humanité car Jésus, notre frère et notre tête, s’y trouve déjà. Méditer cela, l’accueillir comme une certitude de Foi, nous offre une Espérance réellement inattendue et d’une grande puissance : sans aucun mérite de notre part nous voici destinés à la vie divine. Et cela nous invite à deux attitudes qui découlent et témoignent du fait que notre vie terrestre est déjà transformée, renouvelée par le Christ vainqueur. La première, c’est celle de la confiance. Nous sommes pécheurs, faibles devant les tentations et inquiets pour notre monde qui s’éloigne de Dieu ? Oui, sans doute. Mais l’Espérance que nous donne le Christ ne repose pas sur nos mérites ou sur un utopique progrès de l’humanité, mais sur ses mérites à lui et sur son amour pour nous qui sont, l’un et l’autre, infinis. Notre confiance, si elle sait s’appuyer sur ces réalités, peut renaître et s’épanouir en une force de vie nouvelle. La seconde attitude, c’est celle de chercher à être toujours plus en vérité membre du Corps du Christ. C’est, en toute logique, en étant membre de ce Corps que nous espérons avec pleine assurance rejoindre un jour le Christ au Ciel. Concrètement, les sacrements, mais aussi la prière et la charité envers nos frères sont des moyens qui nous ancrent dans ce Corps du Christ. Utiliser ces moyens que l’Eglise nous enseigne et met à notre disposition, c’est lutter efficacement contre tous les découragements, abattements et inquiétudes que génère notre vie en ce monde.
Alors, en regardant avec les disciples le Christ s’élever vers le Ciel, laissons de côté nos tristesses et goûtons par l’Espérance à la victoire que nous donne un tel Sauveur.