Microphone

Mineurs du Chili : une leçon d’humanité

Abbé Pierre Amar
26 septembre 2010

J’avoue être passionné par l’aventure des trente trois mineurs de Copiapo au Chili. Prisonniers à 700 mètres sous terre depuis le 5 août 2010, ils en sont donc – à l’heure où j’écris ces lignes – à plus d’un mois et demi de captivité.

Pour mieux comprendre ce qu’ils vivent, regardez tout ce que vous avez fait et vu depuis le 5 août. Moi après l’aumônerie d’un 11ème camp scout (!), je suis allé chez des amis puis en famille. Ce fut ensuite l’université d’été « Acteurs d’Avenir », puis je me suis lancé avec joie dans la rentrée paroissiale, retrouvé des visages connus et aimés, relancé le caté, l’aumônerie, la préparation de temps forts paroissiaux… bref, multiplicité de lieux, diversité d’activités et de personnes.
Eux, ils sont depuis un mois et demi prisonniers à 700 mètres sous terre. Et pendant que le monde continue à tourner sans eux, ils partagent leurs journées avec 32 camarades qu’ils n’ont pas choisis et dans un abri insalubre pas vraiment prévu pour passer 3 mois confortablement. Ils l’ont d’ailleurs quitté pour une galerie plus spacieuse. Mais on ne les sortira que dans un mois et demi au mieux. Leur seul programme : attendre. De quoi devenir fou, non ?

L’anti « secret story »

Pour les aider, une équipe composée entre autres de psychiatres, de médecins et de nutritionnistes les accompagne depuis la surface. Quelques experts de la NASA les ont rejoints ; l’isolement forcé des mineurs ressemble en beaucoup de points à un séjour prolongé dans l’espace. Un lien par fibre optique permet de garder le contact téléphonique et même vidéo avec les mineurs. De nombreux extraits figurent sur Internet : on y voit nos héros se laver les dents, chanter, jouer aux cartes… Mais rien à voir avec la télé réalité et ses émissions voyeuristes : oubliez Secret Story ! Les extraits sont choisis, seules les familles ont accès à des conversations privées par visioconférence. Et nos robinsons sous-terrains font l’expérience que le plus important dans la vie est l’amour de ses proches, l’amitié partagée, l’équilibre de vie… et la profondeur de l’homme intérieur.
Car nos médias francophones, pas toujours très à l’aise avec l’affirmation décomplexée de la Foi vécue au quotidien, sont assez discrets sur le fait qu’à 700 mètres sous terre et dans un refuge prévu pour abriter 25 personnes, « les 33 », comme on les appelle, ont tenu à aménager un petit oratoire. Ils ont même reçu avec émotion des chapelets bénis spécialement pour eux par le pape Benoît XVI. A la surface, le bataillon de spécialistes qui les accompagne s’est fait une raison : pour tenir, il faut du psy mais aussi du spi.

Cette aventure souterraine rejoint celle vécue par 16 jeunes uruguayens, victimes d’un crash d’avion dans la cordillère des Andes en 1972. Ils avaient survécu 72 jours avant d’être secourus, offrant au monde entier une extraordinaire parabole sur la condition humaine, la force d’un groupe et le rapport à Dieu. Leur odyssée est présentée ici (site en anglais et en espagnol).

La Foi d’un peuple

Je me suis rendu au Chili il y a quelques années et constaté que la sécularisation n’y avait pas fait autant de ravages que sur notre vieux continent. Là-bas on parle naturellement de Dieu, de l’Eglise, des saints… La semaine sainte, la saint Pierre et saint Paul, la fête de l’Immaculée Conception sont des jours fériés. Et même si le catholicisme perd de l’influence, les références religieuses sont multiples.
C’est donc tout naturellement que l’opération de secours pour délivrer « les 33 » a été baptisée « opération San Lorenzo » car saint Laurent est le patron des mineurs. Le village de tentes où attendent les familles s’appelle lui le « camp espérance »… Des statues, des cierges, des images de la vierge de Guadalupe, patronne des Amériques, y sont omniprésentes. Le cardinal archevêque de Santiago du Chili a pu y célébrer la messe et s’entretenir ensuite avec les mineurs par téléphone. Cet été, le pape Benoît XVI avait déclaré prier « constamment » pour les 33 mineurs pris au piège. Et si chacun des lecteurs de Padreblog avait une petite pensée pour eux ?

Abbé Pierre Amar

Abbé Pierre Amar

Diocèse de Versailles, ordonné en 2002. Licencié en droit et en théologie. Auteur de "Internet, le nouveau presbytère" (Artège, 2016), "Hors Service" (Artège 2019), "Prières de chaque instant" (Artège 2021) et de divers spectacles (Jean-Paul II, Charles de Foucauld, Madame Elisabeth). De 2013 à 2018, il anime l'émission "Un prêtre vous répond" sur Radio Notre-Dame. Depuis sept. 2019, il répond à "Pourquoi Padre ?" sur KTOtv.

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