Régression éthique en marche
Il y a largement de quoi être inquiet devant la loi de bioéthique qui s’apprête à être votée définitivement à la fin de ce mois de juin 2021. Alors que nous ne sommes pas encore complètement sortis de la pandémie et que nous devons affronter tant de défis humains, économiques ou sociaux, comment comprendre que l’énergie de nos élus soit mobilisée autour de questions sociétales si clivantes et si contestées ? Est-ce vraiment l’urgence ?
Cette loi comporte en effet plusieurs nouvelles et grandes ruptures anthropologiques. Et quand bien même nous avons l’impression de répéter toujours les même choses sans être écoutés, il est nécessaire de continuer à dénoncer ce qui nous heurte profondément.
PMA, conservation des gamètes, chimères
La première rupture est l’autorisation de la PMA pour les femmes seules et les couples de femmes. Elle institue ainsi la privation légale de père, pour certains enfants. Nous en avions déjà largement parlé il y a quelques années. C’est une chose de devoir faire face courageusement à une absence de père en raison des évènements de la vie comme par exemple un décès ou une séparation. Mais c’est tout autre chose que d’instituer cette absence de père comme point de départ. Qui peut dire – quelles que soient les qualités éducatives et l’amour des personnes présentes autour de l’enfant – que cette privation est anodine ? Comment comprendre qu’on puisse ainsi, en amont, priver un enfant d’un père, même pour répondre au désir légitime des femmes concernées ? Qu’est-ce que cela dit du rôle du père ? Pourquoi demander à la médecine – dont la mission est de soigner et guérir – de sortir ainsi de son rôle ? Pourquoi donc la Sécurité sociale devrait-elle rembourser une démarche qui n’est pas un soin ?
Une autre mesure, l’autoconservation des gamètes sans motif médical, pose elle aussi question. Quant à la création de chimères homme-animal – une transgression impressionnante – elle vient apporter un peu plus de confusion sur la distinction entre l’espèce humaine et les espèces animales. La fin ne justifie pas les moyens et la recherche médicale ne peut se faire sans une réelle éthique. Ces trois ruptures, pour n’évoquer que celles-ci, viennent bouleverser encore un peu plus les repères symboliques qui fondent notre vie en société.
Pour dénoncer tous ces bouleversements, nul besoin de s’appuyer sur des arguments confessionnels. On peut simplement le faire au nom d’une conception de la dignité humaine et du bien commun qui devrait être partagée par tous, croyants ou non. Cette dignité se fonde sur la raison et sur le réel. Les temps troublés que nous traversons ne nous invitent-ils pas à prendre soin de ce que nous avons en commun ? Cette loi divise et participe un peu plus au délitement de ce « commun », au profit du désir individuel qui réclame de se transformer en droit dès lors qu’il est sincère.
Interpeller nos députés
Une fois encore, nos parlementaires sont les gardiens de ce « commun » si précieux. Nous devrions tous les encourager à y penser avant de voter en conscience. Leur dire que, pour nous, leur vote sera tout sauf anodin. Leur dire combien nous devinons qu’il faut parfois du courage pour aller à contre-courant de l’émotion, mais aussi des pressions multiples qu’ils peuvent connaître, de la pression médiatique, de l’avis de leurs collègues, etc. Oui, il faut du courage pour défendre les repères anthropologiques fondamentaux contre tout ce qui pourrait les affaiblir ou les déconstruire.
Aujourd’hui, avec gravité mais aussi avec bienveillance, nous devrions tous prendre le temps d’écrire un courrier personnel ou un mail à notre député (pour trouver son nom, cliquer ici), pour lui dire combien nous comptons sur lui / sur elle pour faire preuve de courage. Lui dire aussi combien nous avons un profond respect pour l’engagement des parlementaires, au-delà des couleurs politiques. Servir le bien commun est une mission magnifique, exigeante et difficile ! C’est pourquoi les catholiques ont à cœur de prier pour ceux qui ont reçu cette mission précieuse, à travers le mandat confié par les électeurs. Avec ses curés de paroisse, ses bénévoles engagés et ses fidèles insérés dans la vie du pays, l’Église essaye de veiller elle-aussi à ce bien commun et partage ce souci avec eux. Cette mission peut aussi nous conduire – en particulier nos évêques (voir leur réaction ici) – à devoir alerter les consciences quand nous percevons des dérives, des transgressions et des décisions qui nous semblent aller à l’encontre de ce bien commun.
Et nous, chrétiens, nous voilà plus que jamais appelés à témoigner de l’évangile de la vie, si cher à saint Jean Paul II. Enfants de Dieu, nous connaissons la singularité de l’humanité dans le cosmos voulu par le Seigneur. La Révélation judéo-chrétienne, avec le récit fondamental de la création, reste pour nous comme une sorte de bouée de sauvetage. Certes, le texte de la Genèse n’a aucune prétention scientifique. Mais en décrivant le pourquoi de l’acte créateur, il nous rappelle aussi que l’homme court à sa perte à chaque fois qu’il veut se prendre pour Dieu.