Microphone

Des bonbons ou la Vie ?

Abbé Pierre Amar
31 octobre 2018

Alors que l’agressivité, le chantage et la peur sont déjà sur tous nos écrans, Halloween est de retour. Deux mois avant Noël, c’est avant tout une aubaine pour les commerçants. Quelques réflexions alors que les citrouilles et les monstres reviennent en cette fête de la Toussaint pourtant si enthousiasmante qui célèbre la Vie : la vraie !

On ne peut que sourire gentiment en croisant des bandes d’enfants inoffensifs qui font du porte-à-porte pour réclamer des bonbons. On ne peut en plus que se réjouir des liens de voisinage que tout cela peut créer dans des quartiers où les gens se parlent si rarement. Mais se déguiser en sorcière, en fantôme ou en vampire n’est pas si neutre. Encore moins de réclamer un sort (« trick or treat ») ! Je me souviens de cet homme qui avait souri le jour où je procédais à la bénédiction des voitures sur la paroisse. Ironique, il avait refusé « ce reste de superstition ». Je lui ai aussitôt proposé de faire le contraire, c’est-à-dire de maudire sa voiture et tous ceux qui la conduiraient, ce qu’il avait énergiquement refusé… Souhaiter du bien, bénir (bene-dicere), ne serait-il plus possible ?

Ce qui est navrant, c’est que l’origine même d’Halloween est chrétienne. Ce nom est en effet une contraction de l’anglais All Hallows-Eve qui signifie the evening of All Hallows’Day et peut se traduire comme « la veille de tous les saints » ou « la veillée de la Toussaint ». Comme à Pâques ou à Noël, les chrétiens commencent à faire la fête… la veille. Halloween est donc la vigile de la Toussaint, la célébration de l’entrée dans la Vie de tous ceux et celles qui ont laissé sur cette terre un sillon de foi, d’espérance et d’amour. On est bien loin des sorcières ou des vampires, nombreux à arpenter les rues des pays anglo-saxons le soir du 31 octobre, mais encore assez rares en France : ouf ! Pourtant, aux USA par exemple, on peut se déguiser en prince et en princesse, ce qui est – avouons – bien mieux ! Des « fêtes de la citrouille » sont également organisées. Enfin, en Europe, peu savent que « trick » peut se traduire par blague.

Célébrer la Vie

Et si au lieu d’habiller les enfants en fantômes ou de lire des contes horrifiques, au lieu de célébrer une fête mortifère, nous célébrions la vie ? On n’est jamais trop jeune pour comprendre qu’aucun jour ne devrait être consacré à célébrer la peur ou la mort. Nous pourrions par exemple relire la vie de nos saints patrons et celle des premiers chrétiens qui, comme nous, avaient à lutter contre le paganisme ambiant. Selon plusieurs sources, Halloween est en effet un héritage de la fête païenne du dieu celte Samain. Célébrer le mal ou la mort elle-même est une contradiction de l’espérance chrétienne. Le Christ n’a-t-il pas vaincu la mort ? Une fois de plus, il nous faut encore dire non. Comme les premiers chrétiens, comme nos frères persécutés d’Irak, de Syrie ou du Pakistan qui eux, risquent leur vie. Dans ce dernier pays, on vient d’y libérer une jeune femme après neuf ans de captivité, accusée de blasphème et de sacrilège. Son crime ? Une sombre histoire de verre d’eau puisée à un puits réservé aux musulmans. Etre chrétien, pour nous occidentaux, ce n’est certes pas risquer nos vies mais c’est déjà accepter d’être contre-culturels et – une nouvelle fois – en rupture, malgré l’aspect inoffensif des citrouilles. Etre des contestataires et en même temps des attestataires. C’est usant ? Courage, le Ciel est au bout !

Les saints sont d’utilité publique

Nous aurait-on « volé » la Toussaint ? Entre certaines associations qui en profitent chaque année pour (re)lancer leur campagne en faveur de l’euthanasie, entre ceux (trop nombreux) qui croient que la Toussaint est la « fête des morts », il devient très difficile de parler de cette foule innombrable qui nous précède au Ciel et qui nous attend.

Le problème, c’est que nous sommes trop peu nombreux à y croire. Il nous faut redécouvrir la sainteté de l’ordinaire. C’est ce que disait justement l’archevêque de la Martinique, Mgr David Macaire, en quittant le synode des jeunes qui s’est terminé le 27 octobre 2018 à Rome  : « Avant, pour devenir un saint, il fallait fonder une congrégation religieuse, partir dans un pays lointain, faire dix mille miracles et mourir martyr dans d’atroces souffrances… ». Une vocation qui ne concerne pas tout le monde. Et l’évêque d’ajouter : « Aujourd’hui, un jeune sympa, qui prie, va à la messe, fait la fête sainement avec ses amis, s’engage auprès des plus pauvres, se confesse régulièrement, tombe dans des péchés mais se relève, essaie de rester fidèle à l’enseignement de l’Eglise est déjà un grand saint, un héros. Bon courage ! ». (Source)

Car, finalement, la seule et unique solution pour que l’Eglise rayonne à nouveau en Europe, pour qu’elle sorte de cette série de scandales qui nous affectent tant, c’est que tous ses membres deviennent des saints. Il nous faut des saints, de saints prêtres et de saints laïcs. Cette sainteté est d’utilité publique car une âme qui s’élève élève le monde : le bien est contagieux. Il nous faut aussi oser parler de la mort, qui n’est pas la fin de tout mais un passage à accompagner au mieux. C’est le sens de la célébration du 2 novembre qui nous rappelle deux choses : la mort n’aura pas le dernier mot et il y aura des retrouvailles avec ceux que nous aimons.

Bonne fête de la Toussaint à tous et si vous aimez les citrouilles, gardez-les pour la soupe !

Abbé Pierre Amar

Abbé Pierre Amar

Diocèse de Versailles, ordonné en 2002. Licencié en droit et en théologie. Auteur de "Internet, le nouveau presbytère" (Artège, 2016), "Hors Service" (Artège 2019), "Prières de chaque instant" (Artège 2021) et de divers spectacles (Jean-Paul II, Charles de Foucauld, Madame Elisabeth). De 2013 à 2018, il anime l'émission "Un prêtre vous répond" sur Radio Notre-Dame. Depuis sept. 2019, il répond à "Pourquoi Padre ?" sur KTOtv.

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