Microphone

Je ne rougis pas de l’Évangile

Abbé Gaultier de Chaillé
21 septembre 2016

Les pères Xavier Chavane et Louis-Pasteur Faye, du diocèse de Versailles, ont récemment publié un excellent livre : Je ne rougis pas de l’Évangile (Mame, 112 p., 9,90 €), pour « aider les jeunes chrétiens à dialoguer avec les musulmans ». Le titre de cet ouvrage présente déjà son programme : fonder un dialogue des chrétiens avec les musulmans et l’Islam, sur la conviction que l’Évangile est un objet de fierté pour les chrétiens, la base de leur foi et l’outil pour la répandre. Cette phrase est citée de l’épître aux Romains (Rm 1,16) et constitue le résumé de toute l’épître et même de toute la théologie de saint Paul, « l’apôtre des païens ». Nous sommes dans la continuité de la tradition de l’Église : l’annonce tranquille et résolue de la Bonne Nouvelle du Christ, Dieu fait homme, mort et ressuscité pour tous les hommes.

Connaître sa propre foi pour pouvoir dialoguer

L’Islam pose un certain nombre de questions à la foi chrétienne, questions souvent piquantes parce que pointues. Il est parfois malaisé d’y répondre, surtout pour un jeune qui ne se sent pas bien stablement établi dans sa propre foi chrétienne. On dit qu’il faut connaître son interlocuteur pour pouvoir entrer en dialogue, quitter la peur et être capable de vivre en bonne intelligence. Il ne faudrait pas pour autant oublier que pour dialoguer il faut d’abord se connaître soi-même, ce qui est aujourd’hui une exigence bien complexe dans une France qui peine à supporter toute pensée de l’identité, depuis l’identité nationale jusqu’à l’identité sexuelle en passant par l’identité religieuse. La connaissance de sa propre identité est donc nécessaire au chrétien s’il ne veut pas vivre dans la honte, la peur ou le mépris de l’autre qui ne pense pas comme lui. Le livre des pères Chavane et Faye propose donc d’approfondir la connaissance de la foi chrétienne en vue de la transmission, et particulièrement la transmission aux musulmans. Ceci non dans une optique de prosélytisme systématique, mais en vue de l’annonce du Christ, ce qui relève du devoir de tout chrétien : « allez dans tout le monde, et prêchez l’Évangile à toute la création ».

Neuf questions classiques de l’Islam au christianisme sont présentées, depuis l’unicité de Dieu face à la Trinité jusqu’à la question de la supposée annonce de Mohammed par Jésus, en passant par la question des interdits alimentaires ou la prière. Le but n’est pas d’offrir un manuel de question/réponse sur chaque sujet, comme une sorte de plan de dialogue systématique à la manière de certaines sectes, mais de donner des éléments de réponses sur ce que la foi chrétienne pense et croit. Ainsi, les auteurs présentent à chaque fois une argumentation qui explique le point de vue chrétien, dans des paragraphes toujours très clairs et courts tout en étant très riches en contenu voire parfois un peu ardus pour un jeune public. Les positions de l’Évangile et de l’Église dans sa Tradition sont synthétisées, les points de la foi sont interrogés, afin de donner des éléments de pensée au lecteur. Tout le monde n’est pas un spécialiste des notions d’engendrement du Verbe, de doctrine Trinitaire ou de Purgatoire ! Cette première partie de chaque question permet de prendre conscience de la complexité réelle de la foi chrétienne mais aussi de la grande cohérence de son édifice qui tient en des affirmations qui se répondent les unes aux autres dans une logique qui requiert un apprentissage patient et humble.

Ensuite, quelques versets du Coran sont présentés pour chaque question qui vient contredire la position de l’Église. Le but des auteurs n’est pas de se placer en islamologues mais simplement en connaisseurs du Coran qu’ils présentent avec « un regard chrétien ». C’est l’occasion de percevoir certains points de doctrine où les opinions sont clairement opposées, n’en déplaise aux esprits concordistes qui cherchent à tout prix à faire la démonstration que les monothéismes sont équivalents et disent en somme toujours la même chose. Une forme de dialogue faussé aura tendance à toujours chercher les plus petits dénominateurs communs pour faire une sorte de consensus religieux mou. Ce n’est certainement pas une marque de respect pour la pensée et la foi ni de l’un, ni de l’autre. Entrer en dialogue signifie être capable d’entendre la parole d’autrui et de prononcer soi-même une parole. Il ne s’agit pas d’entrer dans un silence de la pensée pour ne pas se disputer. Le dialogue est une rencontre, pourquoi pas une confrontation, parfois rude ou âpre, mais dont la mesure de la réussite n’est pas l’accord trouvé mais la vérité exprimée. Les pères Chavane et Faye présentent donc les contradictions présentes, sans les édulcorer ni les exagérer, afin de montrer les points sur lesquels les chrétiens peuvent réfléchir à propos de l’Islam et à propos desquels ils peuvent demander des éclaircissements aux musulmans avec lesquels ils débattraient.

Annoncer joyeusement le message de l’Évangile

Pour chaque question, une piste est enfin offerte de « transmission de la joie d’être chrétien ». Le christianisme n’est pas qu’une opinion, un point de la pensée, mais bien l’appartenance au Corps ecclésial du Christ, c’est-à-dire la conscience d’être inclus dans le plan de salut de Dieu. Être chrétien n’est donc pas une simple manière de dire Dieu, non plus qu’une manière de vivre, mais d’abord la joie de se savoir aimé et sauvé. O, si une opinion peut être privée, une joie est faite pour être transmise, pour être partagée ! Libre à l’autre d’y communier ou pas. Un vrai dialogue interreligieux ne se termine bien que s’il mène à bien plus qu’une simple confrontation d’idées. Le partage d’une joie est finalement l’invitation à vivre non pas sous le mode d’un pacte de non-agression, mais dans la réelle reconnaissance de ce qui unit en vue du bien commun.

Comme disait saint Jean-Paul II aux jeunes musulmans de Casablanca le 19 août 1985 : « la loyauté exige que nous reconnaissions et respections nos différences ». Si les jeunes chrétiens et musulmans sont capables de reconnaître et de respecter réellement leurs différences, s’ils sont capables d’avoir une connaissance en vérité des fondements de leur propre foi et des réels points de divergence, ils seront capables de porter en commun des initiatives pour la justice et la paix. Elles pourront alors porter du fruit pour le monde. « Reconnaître et respecter les différences » veut dire ne pas vivre dans le repli sur soi par peur, timidité ou tiédeur. L’Évangile requiert au contraire une franche et lumineuse annonce, ce livre y exhorte et y prépare. Souhaitons que de nombreux jeunes le lisent afin d’être renforcés dans leur foi : qu’ils répandent la joie du Christ dans le monde, auprès des musulmans comme auprès de tous les autres hommes de bonne volonté !

Abbé Gaultier de Chaillé

Abbé Gaultier de Chaillé

Ordonné prêtre en 2013 pour le diocèse de Versailles, curé de Villepreux-Les Clayes sous bois ; licencié en théologie à la faculté des jésuites de Paris (Centre Sèvres). De 2018 à 2020, il répond à "Pourquoi Padre ?" sur KTOtv.

Partager