Microphone

Think the difference

Père Jean-Baptiste Siboulet
07 février 2022

Cette semaine, Apple a ajouté à son logiciel une série de nouveaux emojis, dont un crée un certain malaise : un homme enceint. La création de cette nouvelle icône vise à répondre aux nouveaux « modes de grossesses » vécus par des hommes transgenres ou « non binaires ». De fait, la médecine moderne rend théoriquement possible l’accouchement d’une femme ayant effectué sa « transition » vers la masculinité tout en conservant son appareil reproducteur féminin et même d’un homme ayant reçu une greffe d’utérus. Cet épisode est l’occasion de réfléchir aux graves questions posées par les idéologies du gender.

A l’assaut de la différence sexuelle

Il est assez étonnant que le mouvement LGBTQI+, massivement soutenu par les GAFAM, soit si prompt à appeler au respect de la différence alors qu’il s’attaque à la plus fondamentale de toutes les différences : la différence sexuelle.

Ce mouvement s’appuie sur l’analyse que font les gender theories de la différence sexuelle. Au lieu d’y discerner un donné positif qui structure les sociétés humaines, elles y voient une source d’oppression de la femme par l’homme. Relativiser et même abolir la différence sexuelle apparaît dans cette perspective comme le moyen d’aboutir à plus d’égalité et plus de liberté.

Ces théories affirment en effet que l’être humain est libre de s’affranchir du donné naturel. Le corps humain n’est pas porteur d’un sens en soi et peut donc être considéré comme un objet indéterminé, comme de la matière à transformer. Un homme peut donc chercher à vivre une grossesse si tel est son désir. 

On oscille donc entre une vision marxiste de la lutte des sexes et une logique ultralibérale dans laquelle le désir individuel est absolu.

Faut-il faire la guerre à la nature ?

Aujourd’hui, la nature apparaît de plus en plus comme quelque chose de subi qui bride la liberté humaine et qui doit être dépassé grâce aux impressionnants progrès de la technique. La nature doit être combattue car elle limite la prétention de l’homme à se créer lui-même. 

L’étymologie latine du terme « nature » invite pourtant à la réflexion. Il vient du participe futur « natura » que l’on peut traduire par « ce qui va naître ». La nature n’est donc pas quelque chose de figé et d’achevé mais est au contraire un donné en devenir. Si la nature est un processus dynamique, cela veut dire qu’elle a une finalité, qu’elle a un sens. Elle n’est pas une matière inerte, sans signification.

Il y a bien sûr une dimension construite dans le développement de son identité. Il faut aussi reconnaître que se sentir homme dans un corps de femme est source d’une grande souffrance. Mais c’est une illusion de croire qu’on peut devenir soi-même en s’amputant d’une partie de soi-même. « Mon corps, ma liberté », proclament certains slogans. Il n’y a effectivement pas de liberté sans accepter le corps qui m’est donné. Ce n’est pas gagner en liberté que façonner la réalité au gré de mes désirs. Bien au contraire.

« Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière des ténèbres. » (Gn 1, 4)

Dieu aime la différence

A la différence des mythes environnants, la Bible a la particularité de montrer que le monde créé par Dieu est structuré autour de la différence. Le récit de la Genèse nous montre un Dieu qui crée précisément en faisant des différences : alors que tout était informe et vide, il sépare la lumière et les ténèbres, la terre et la mer, l’être humain et l’animal et ultimement l’homme et la femme. Cette dernière différence est absolument fondatrice dans la perspective biblique car elle est le signe qu’aucun être humain ne peut prétendre être le tout de l’humanité : je ne connais pas tout de l’humain, l’autre sexe me demeurera toujours partiellement inconnaissable. On ne peut donc être homme et femme en même temps.

C’est peu dire que la Bible n’aime pas le mélange. La catégorie symbolique du pur et de l’impur autour de laquelle se structure la Loi de Moïse en est une illustration significative. La pureté connote le fait de respecter l’ordre de la création : les animaux terrestres vivent sur terre, les aquatiques dans l’eau et les célestes dans le ciel. Les animaux impurs sont donc ceux qui traversent les catégories : les animaux amphibies par exemple, ou encore le homard et le crabe qui marchent au fond de l’eau au lieu de nager.

Bref, pour la Bible, ignorer les différences fondatrices qui structurent l’ordre de la création, c’est entrer dans une logique de décréation, c’est revenir au chaos originel. En ce sens, l’apparition du nouveau pronom « iel » est typique du mélange indifférencié dans lequel veulent nous entrainer les chantres de la déconstruction sexuelle.

Faut-il vraiment s’alarmer pour le petit emoji d’un homme moustachu au ventre bombé ? Malheureusement, oui. Car c’est à coup de petites touches dans la pub, les films, les programmes scolaires, que l’agenda du gender se déploie imperceptiblement, mais à grande échelle. En parodiant le slogan d’Apple dans les années 1990, l’urgence n’est donc pas tant à « penser différemment » qu’à « penser la différence ». Vivre la différence comme une chance, ce n’est pas qu’un slogan, c’est une vérité existentielle.

Père Jean-Baptiste Siboulet

Père Jean-Baptiste Siboulet

Diocèse de Nantes, ordonné en 2017, prêtre de la communauté de l’Emmanuel (emmanuel.info). Licencié en droit et en ecclésiologie/œcuménisme. En ministère à la paroisse Sainte-Madeleine de Nantes et aumônier d'étudiants. Aime le piano, le rugby, l'auto-stop et la rando.

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