Vacciné et pro-life ?
Il y a décidément des questions que seuls les catholiques se posent… C’est probablement ce que pensent beaucoup de ceux qui sont étrangers à notre foi, en observant la réaction de certains d’entre nous. Car le fait que des vaccins contre le Covid-19 impliquent – à des degrés divers – l’utilisation d’une lignée de cellules souches d’embryons avortés, a dissuadé un certain nombre de catholiques d’y avoir recours. À Rome, on a pourtant autorisé l’utilisation de tels produits. Que faut-il en penser ? Cherchons à comprendre.
La note de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi est brève et compréhensible (lien). Il faudrait vraiment la lire. Et pour nous y aider, en voici les enjeux exposés de manière synthétique.
De quoi parle-t-on ?
L’Église affirme depuis bien longtemps que l’avortement ne peut jamais être toléré. Pour elle, l’embryon est un être humain et doit être considéré comme une personne. Cette dernière question n’est d’ailleurs pas une question d’opinion ou de conviction religieuse : c’est une vérité scientifique. À la suite de ses prédécesseurs, le pape François lui-même a eu des mots très forts sur ces sujets : en comparant par exemple l’avortement comme le recours à un tueur à gages (lien) ou en appelant à la protection juridique de l’embryon et le caractère sacré de la vie (lien).
Bien sûr, l’Église n’est pas opposée à la recherche ou au progrès. Mais elle pose des critères pour définir ce qui est éthique et ce qui ne l’est pas. Dans le cas qui nous concerne, certains laboratoires ont utilisé des lignées de cellules embryonnaires pour l’élaboration des vaccins. Ce sont des cellules obtenues en multipliant in vitro et depuis plusieurs années les cellules d’un embryon avorté il y a longtemps. Pour être exact, la lignée cellulaire HEK293 doit son nom aux cellules rénales embryonnaires humaines obtenues à partir d’un enfant à naître avorté dans les années 1970 aux Pays-Bas. Pour sa part, la lignée cellulaire PER.C6 a été dérivée de cellules rétiniennes embryonnaires humaines provenant d’un fœtus de 18 semaines avorté en 1985. Parmi les vaccins contre le Covid-19, ceux proposés par les laboratoires Astra Zeneca et Johnson & Johnson sont moralement problématiques. En effet, des cellules des lignées HEK293 et PER.C6 ont été utilisées dans les étapes de leur conception, de leur développement et de leur production, mais aussi pour des tests de confirmation. Les vaccins Pfizer ou Moderna n’ont impliqué l’utilisation de ces lignées « que » dans des tests de confirmation.
L’Église affirme toujours que ces avortements initiaux sont un mal et que le fait d’utiliser des cellules issues de ces embryons est objectivement un manque de respect pour la dignité qui est due à un être humain. Il n’est pas acceptable que l’être humain devienne un matériau de recherche, un « homme-objet » dans l’indifférence la plus totale. Mais alors, pourquoi donc le Vatican permet-il le vaccin ?
Le bon grain et l’ivraie
Dans la continuité d’un texte approuvé par Benoît XVI en 2008 (Dignitas personae ; lien ici), la Congrégation explique que, dans la situation pressante où se trouve le monde en raison de la pandémie, il est possible d’être vacciné, à condition de se dissocier clairement de la culture de mort qui a sous-tendu la réalisation de ces vaccins. Par ailleurs, le lien entre la personne qui reçoit le vaccin et les avortements originels est tellement lointain, tellement ténu, que l’urgence du temps présent peut légitimement prendre le dessus.
C’est la différence entre la coopération formelle et la coopération matérielle. En reprenant l’exemple de l’avortement, il y a d’abord les trois protagonistes directs de l’action : les parents et le soignant qui réalise l’intervention. Voilà pour la coopération formelle. Il y a ensuite la coopération matérielle active : c’est, par exemple, l’infirmière qui prépare les instruments pour l’opération. Elle ne réalise pas l’avortement, mais elle y collabore matériellement, sciemment, et ceci contre la voix de sa conscience. Le dernier niveau concerne le banquier qui gère les comptes de l’hôpital, le boulanger qui lui fournit le pain, le plombier qui en répare les canalisations, etc. C’est grâce à leur coopération matérielle que l’hôpital peut tourner et que des avortements peuvent être réalisés. Mais il s’agit alors d’une coopération matérielle passive, à l’image de ce qui se passe quand les impôts que nous payons alimentent le pot commun d’où partent les subventions pour les hôpitaux, et donc pour les avortements.
À dire vrai, il n’y a pas que l’avortement qui pose problème. Certains smartphones par exemple, sont produits dans des conditions moralement problématiques : conditions de travail déplorables, épuisement de ressources rares, rejet de matériaux toxiques dans la nature, etc. Parfois même, les revenus qu’ils produisent sont utilisés pour financer le transhumanisme. Mais à la différence du vaccin anti-Covid, nous restons libres de nous diriger vers des fabricants plus éthiques.
On le voit, la liste des coopérations matérielles est quasiment infinie parce que, dans toute société, les hommes sont à des degrés divers tous unis. Nécessairement, le bon grain côtoie l’ivraie : c’est le drame de notre humanité. Vivre dans le temps présent implique que nous soyons au clair sur ce que notre conscience permet, et sur ce qu’elle interdit. Mais nous ne pouvons pas vivre comme des Amish, retirés en dehors du monde. Nous vivons au contraire en son sein pour y manifester la lumière du Christ : « Les chrétiens se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et le reste de l’existence, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur manière de vivre. Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés » (extrait de la Lettre à Diognète, 2ème siècle).
Les choses sont donc très claires : on n’est pas complice de l’avortement en ayant recours au vaccin contre le Covid-19. Et se poser la question n’est pas si absurde. C’est même le signe qu’on n’a pas abdiqué sa conscience.