Admiration
Nombreux sont ceux qui, en ce Jeudi saint, ont manifesté à leurs prêtres leur prière et leur amitié. Comment ne pas profiter de ce jour pour vous dire en retour notre admiration et notre action de grâce, que partagent sans doute beaucoup de prêtres ?
Depuis septembre, nous traversons un temps d’épreuves et de tourmentes. L’Église en a connu d’autres, mais pas nous. Pas à ce point, sans doute. Pas sur ces sujets. Les révélations en cascade d’abus, de crimes ou de double vie chez de nombreux clercs, fondateurs ou prélats nous ont tous profondément atteints. La souffrance des victimes nous a bouleversés et fait ouvrir les yeux. La façon dont tout cela a été « géré » pendant des décennies nous a légitimement indignés. Le climat poisseux de soupçon ou de défiance qui en résulte dans l’opinion publique nous a – nous prêtres – fragilisés. La façon dont certains « loups » instrumentalisent ces affaires pour changer la doctrine de l’Église et affaiblir encore celle-ci nous met en colère.
Tout cela renforce d’autant plus notre admiration pour la fidélité d’une grande partie du peuple chrétien. C’est aujourd’hui notre principale consolation et pour cela, il faut vous dire notre admiration.
Admiration et reconnaissance devant ces paroissiens qui, plus que d’habitude, prennent des nouvelles de leur curé, manifestent leur soutien, trouvent les mots pour encourager et dire merci.
Admiration devant tant de jeunes et de moins jeunes qui continuent de nous faire confiance et de s’appuyer sur cette « paternité spirituelle » de leurs prêtres, aumôniers, vicaires ou curés. Cette « paternité » que certains clercs ont dévoyée ou profanée, demeure un trésor précieux qu’il ne faudrait pas jeter. Elle est la raison d’être de notre célibat et de l’offrande de notre vie : nous l’avons donnée pour faire grandir ceux qui nous sont confiés. Paternité spirituelle qu’il nous faut apprendre à vivre de façon toujours plus juste et plus gratuite. Paternité spirituelle que vous nous apprenez à vivre, en nous rappelant avec exigence, patience et bienveillance ce que nous devons être pour vous.
Admiration devant l’amitié que vous nous exprimez, avec pudeur et bienveillance. Elle est si précieuse pour nous prêtres, cette amitié des familles – en particulier – et de beaucoup d’entre vous. Amitié qui n’empêche pas de reconnaître les prêtres que nous sommes. Amitié fraternelle qui voit aussi dans ce « père » un frère à encourager et à inviter, un frère qui chemine comme vous avec ses limites et ses talents, ses moments de doute, ses joies et ses peines, un frère qui, à vos côtés, essaye lui aussi de se convertir, de se relever sans jamais se décourager. Un frère qui a besoin d’apprendre comme chacun de vous à aimer et se laisser aimer. Merci de votre patience et de votre foi quand vous continuez à voir le prêtre à travers le frère ! Vous nous rappelez à nous-mêmes ce que nous sommes.
Admiration devant tous ces fidèles qui maintiennent leur confiance et nous le redisent, comme un choix résolu mais jamais aveugle. Cette confiance nous encourage à être à la hauteur de notre vocation, quand le soupçon nous fragilise et nous donne envie de céder au démon du « à quoi bon ? »…
Admiration devant ces jeunes qui auraient tant de raisons de lâcher l’Église et de se méfier de ses prêtres, et qui au contraire sont là, assoiffés d’une parole vraie, venant chercher auprès de nous ce miracle de nos mains vides, cette espérance qui nous manque parfois, cette présence et ce pardon de Dieu dont nous sommes les premiers à avoir besoin, cette joie de croire et de servir qu’ils nous redonnent eux-mêmes en nous la demandant sans relâche !
Admiration devant ces fidèles qui au travail, à l’école ou auprès de leurs amis, continuent de témoigner de leur amour de l’Église et de leur attachement au Christ, face aux attaques virulentes, aux sarcasmes, au dénigrement ou aux interrogations plus légitimes. Vous êtes souvent les premiers à porter le poids de ces scandales, à devoir affronter le regard de la société, sa colère et ses amalgames. Sans jamais nier les crimes et même en les pleurant, vous continuez à dire aussi la beauté et la sainteté de notre famille qu’est l’Église. Sans jamais nier l’ivraie, vous rappelez aussi le bon grain. Vous redécouvrez votre mission d’être vous-mêmes ce beau visage de l’Église que le monde a besoin de voir. Vous tirez de tout cela l’envie de faire le bien autour de vous et dans votre vie, ce bien qui seul peut réparer le mal commis. Beaucoup d’entre vous ont compris qu’il nous fallait tous revenir au cœur de notre foi et de notre vocation, qu’il nous fallait vivre généreusement cette conversion personnelle, qu’il nous fallait plus que jamais aimer, croire et servir… et que c’était d’abord là, la réforme à entreprendre.
Admiration encore ce Lundi saint au soir en voyant spontanément tous ces chrétiens, souvent très jeunes, venir prier dans la rue ou dans les églises alors que la cathédrale Notre-Dame était en proie aux flammes. Les journalistes et les touristes en étaient stupéfaits et impressionnés. Témoignage humble et fervent, qui vaut toutes les démonstrations. Voici la foi d’un peuple qu’aucun scandale ne pourra faire disparaître. Image magnifique et symbolique de l’époque que nous vivons : une église en proie au chaos, qui menace de s’effondrer. Un peuple qui prie et intercède. Des jeunes qui d’eux-mêmes se mobilisent. Une cathédrale meurtrie, blessée, mais sauvée. Une ferveur immense et un désir de rebâtir qui emporte tous les cœurs.
Le monde pourrait s’étonner qu’il reste encore en France des catholiques. Certes, ils sont moins nombreux. Mais pourquoi restez-vous là, fidèles malgré tout, vous qui nous lisez ? Votre fidélité – même si elle peut être parfois bousculée, attaquée par les doutes ou légitimement éprouvée – interroge le monde et force notre admiration. Votre confiance renouvelée, votre exigence toujours accompagnée de bienveillance, votre désir de sainteté, votre prière et votre amitié sont autant d’encouragements pour nous prêtres « à être généreux, à donner sans compter, à combattre sans souci des blessures… » ! Vous nous rendez heureux de vous donner le Christ, de vous parler du Christ. Vous nous aidez ainsi à garder une âme de serviteurs. Le meilleur rempart contre le « cléricalisme », ce n’est pas d’installer dans nos paroisses la défiance entre clercs et laïcs mais de se manifester mutuellement cette confiance qui fait grandir et encourage chacun à se convertir sans cesse.
Oui, il reste des catholiques engagés et fervents. Ils ne sont pas tous des saints, certes ! Leurs prêtres non plus ! Ce sont des pauvres… comme leurs prêtres. Des pauvres qui ont besoin d’être pardonnés, aimés, relevés, consolés. Mais ces « pauvres » sont sacrément généreux et courageux ces temps-ci. Éprouvés, bousculés, mais fidèles. Pour cela : MERCI ! Nous sommes heureux d’être chrétiens avec vous et prêtres pour vous. Merci de nous aider ainsi à le demeurer.