À propos du livre du Père Matthieu

Le Père Matthieu Jasseron : beaucoup le connaissent pour ses vidéos sur Tiktok et sur Youtube, et pour les polémiques sur l’homosexualité, sur le diable ou encore sur la désacralisation de la liturgie. Il vient de publier Croire ça ne sert à rien, et pourtant ça change tout, chez Flammarion. Padreblog a lu cet ouvrage et partage son point de vue.

Une agréable surprise

Il faut commencer par le dire : on est agréablement surpris par la lecture de ce livre. Le Père Matthieu livre en effet un travail appréciable de présentation et de vulgarisation du dogme. À travers de nombreuses questions, réflexions, interrogations, le Père Matthieu tente de tirer le fil du mystère de la foi. Il part de la question du sens de l’existence, si présente dans ses vidéos et qui s’impose à n’importe qui, n’importe quand. Elle conduit à se questionner sur la foi, sur l’intérêt ou la nécessité de croire. Le Père Matthieu présente le Dieu des chrétiens avec une théologie abrégée mais précise, qui peut parler tant aux familiers de la foi qu’à ceux qui en sont loin. Son texte invite à questionner la foi chrétienne, à revenir aux sources de l’histoire de la foi pour en comprendre l’évolution, son interaction avec le monde et la place qu’elle occupe aujourd’hui.

Il y a donc un autre Matthieu derrière l’homme des réseaux sociaux, ses raccourcis et ses exagérations : un vulgarisateur qui articule la foi chrétienne de manière cohérente, le tout reposant sur un langage imagé.

Et de vraies réserves…

Pourtant, comme pour certaines de ses vidéos, on peut reprocher à plusieurs passages du livre un problème de méthode : le Père Matthieu présente comme étant la position de l’Église, ses propres positions théologiques liées à des écoles particulières, alors mêmes qu’elles s’opposent à ce qu’expose clairement le Catéchisme de l’Église Catholique. On a tous le droit de réfléchir et de spéculer. Mais on n’a pas le droit de présenter comme un acquis universel ce qui n’est qu’une opinion à un point donné de l’Histoire.

On ne peut pas enseigner aux fidèles des réalités contradictoires avec le Catéchisme qui est la charte commune de la doctrine catholique. Et le fait que quelques évêques cultivent l’ambiguïté doctrinale dans une région du monde où le christianisme est en train de disparaître à force d’accomodements avec la post-modernité, ce fait ne donne à personne un blanc-seing pour affirmer ses propres réflexions en lieu et place de l’enseignement de l’Eglise.

La vie en paroisse, celle que nous partageons avec le Père Matthieu qui est curé de paroisse à Joigny, est une ligne de crête exigeante où il faut tenir en même temps l’accueil inconditionnel de chacun avec son histoire, et l’enseignement de l’Église. C’est un alliage toujours dynamique entre subjectivité de l’inclusion et objectivité de la doctrine. Comme il serait tentant de renoncer à une exigence au profit de l’autre. Ériger la sincérité et l’altruisme en unique critère du bien, et ne plus rien dire sur le reste. Ou absolutiser la doctrine comme une loi rigide, et ne pas savoir prendre soin de ceux qui arrivent. En paroisse, au contraire, nous passons notre vie à essayer de tenir les deux bouts en même temps. Parfois, c’est un écartèlement. Toujours, la joie profonde de servir l’action du Seigneur dans les cœurs.

Faut-il édulcorer pour évangéliser ?

Quand on regarde la plupart de ses vidéos, quand on lit son livre, il apparaît évident que l’élan profond du Père Matthieu est d’entrer en contact avec ceux qui sont loin de l’Église, pour leur donner la joie de rencontrer le Christ. C’est beau et admirable. Vraiment. Et le Père Matthieu y déploie un très beau talent.

Mais il y a autre chose, comme une envie d’en découdre avec l’institution, comme une envie de provocation qui crée du trouble de manière inutile. Cela, nous le regrettons.

Pour annoncer le Christ, il faut certainement faire un pas de côté pour s’adapter aux interlocuteurs et, pour cela, sortir de nos habitudes, de nos manières de parler « boutique ». Pour autant, édulcorer ou relativiser le message traditionnel de l’Église ne peut conduire qu’à la déception de tous : le prêtre, qui risque de se couper du milieu vital de l’Église ; les gens, qui auront placé leur confiance en une parole qui ne reflétait pas la réalité de l’exigence évangélique.