Célibat des prêtres : l’éclairage de deux grands serviteurs de l’Eglise
Le Cardinal Robert Sarah, vient de publier un livre profond et spirituel avec une contribution inhabituelle du Pape émérite Benoît XVI « en hommage à tous les prêtres du monde ».
Dans cet ouvrage, le pape émérite offre une réflexion théologique approfondie sur le prêtre et le sens de son célibat, tandis que le cardinal guinéen nous livre un plaidoyer plus pastoral sur la nécessité de préserver ce trésor pour l’Église qu’est le célibat consacré. Il supplie filialement le pape François de tenir bon face à ceux qui aimeraient ouvrir des brèches dans cette règle de l’Église latine.
« Des profondeurs de nos cœurs » [le titre du livre chez Fayard] arrive dans un contexte troublé, et les conditions de sa publication ont suscité une polémique pénible. Il serait infiniment triste que celle-ci nous empêche d’accueillir paisiblement le contenu de ce livre, qui se veut avant tout une contribution au débat théologique que le pape François a toujours encouragé. Aussi n’entrerons nous pas dans cette polémique qui nous dépasse et nous attriste ; accueillons simplement ces réflexions lumineuses sur un sujet qui est au coeur de nos vies de prêtres et de l’actualité de l’Eglise.
Un contexte troublé
Les abus et les crimes commis par des prêtres ont blessé de trop nombreuses victimes. Leur révélation nécessaire a cependant aussi créé un climat de doute et de suspicion qui affecte beaucoup d’entre nous, y compris dans la façon dont notre célibat est mis en cause. Tout cela a pu ternir le témoignage rendu par les prêtres fidèles et blesser une confiance qui sera longue à reconstruire.
D’autre part, lors du synode d’octobre 2019 sur l’Amazonie, l’éventualité de l’ordination sacerdotale d’hommes mariés a été sérieusement évoquée. Une majorité s’est même dessinée en faveur d’une telle expérimentation. Sur ce point précis, le pape François – seul décisionnaire en ce domaine – n’a encore rien décidé. Il a pourtant déjà été interrogé sur ce sujet en janvier 2019, de retour des JMJ du Panama. A la question de savoir s’il allait autoriser l’ordination d’hommes mariés dans l’Église catholique latine, le pape a répondu : « Je ne le ferai pas, que cela reste clair. Je peux sembler peut-être fermé là-dessus mais je ne me sens pas de me présenter devant Dieu avec cette décision ». Et pour affirmer sa détermination, François avait même cité cette phrase de saint Paul VI : « Je préfère donner ma vie [plutôt] que de changer la loi du célibat ».
Mais depuis le dernier synode, un flou s’installe… propice à toutes les pressions et notamment bien sûr de ceux qui – à l’intérieur et à l’extérieur de l’Église – aimeraient que le célibat des prêtres devienne une norme moins absolue et généralisée. Ici et là, par médias interposés, mais aussi singulièrement en Allemagne où les voix dissidentes sont nombreuses, on affirme que l’Europe ressemble à l’Amazonie (!) et qu’on devrait envisager la même solution. Cet activisme de certains appelait une réponse, comme l’explique le Cardinal Sarah : « Il est urgent, nécessaire, que tous, évêques, prêtres et laïcs ne se laissent plus impressionner par les mauvais plaidoyers, les mises en scène théâtrales, les mensonges diaboliques, les erreurs à la mode qui veulent dévaloriser le célibat sacerdotal ».
Un cri du cœur
C’est dans ce contexte qu’arrive l’ouvrage « Des profondeurs de nos cœurs ». Retiré dans « le silence, la prière et la solitude », le pape émérite a cependant accepté d’apporter sa contribution à ce livre du Cardinal Sarah.
C’est sans doute justement cette prière fervente et ce silence habité qui ont permis à Benoît XVI de rassembler ses quelques forces pour s’associer à ce cri du cœur. L’ancien pape et le cardinal préfet de la congrégation pour le culte divin et la liturgie ne sont pas les moins bien placés pour apporter à leur tour leur contribution lumineuse sur ce sujet du célibat sacerdotal, dans un esprit d’obéissance filiale au pape François, comme ils l’écrivent. Ils le font avec la clarté, l’inspiration et la pédagogie dont ils ont toujours fait preuve. Pourquoi ne devrait-on entendre que le flot des voix contraires ? Ce livre loin d’être « un méchant coup dans le dos du pape » actuel, vient servir son discernement, comme le Cardinal Ouellet l’avait déjà fait. Dans l’Église, la parole est libre, encore plus quand elle est théologique et spirituelle, et pas partisane ou idéologique.
Cette contribution filiale proposée au pape François et à toute l’Église est dense et inspirante. Loin de toute polémique, Benoît XVI nous offre une méditation sur la vocation du prêtre et le sens du sacerdoce catholique, depuis ses origines. Au lieu d’être une « fonction » au service d’une communauté, ce sacerdoce est bien une consécration et un don total, dont le célibat est le signe le plus ajusté. Signe concret, prophétique et voulu dès l’origine, pour signifier le don total de celui qui est appelé à tout quitter pour n’appartenir qu’au Christ.
Le Cardinal Sarah reprend quant à lui toutes les objections entendues contre ce célibat, toutes les motivations avancées pour le relativiser. Il y répond avec force et franchise, puisant dans son expérience de prêtre en Afrique au milieu d’une chrétienté encore jeune, pour affirmer combien ce célibat est prophétique et missionnaire. Quand il est bien compris et bien vécu, c’est un signe capable de parler à tous et de toucher les cœurs.
Un don pour l’Église
Prêtres du Padreblog, nous recevons cette méditation avec gratitude et reconnaissance. Le célibat que nous avons choisi de vivre est une des réalités les plus précieuses de notre vie. Ce célibat est un vrai renoncement, à certains moments une croix, mais intimement lié au Salut donc à la joie. Joie de vivre ce don total qu’il signifie, joie de croire à la fécondité de ce don de notre vie, joie d’en offrir le témoignage, malgré nos pauvretés. Ce célibat nous rappelle sans cesse à la priorité de notre relation vivante avec le Christ et au don intègre de nous-mêmes aux âmes qui nous sont confiées. Notre famille, c’est la paroisse où nous sommes, la mission reçue et le diocèse auquel nous appartenons. Et c’est ainsi que nous goûtons la vie en abondance.
Bien sûr, il est impossible de comprendre notre état de vie sans la foi, sans vivre une relation avec le Christ qui soit une amitié réelle et existentielle. Personne n’est donc étonné de voir que des journalistes peinent par exemple à dépeindre la réalité de la vie du prêtre. En revanche, nous vivons avec plus de difficulté – et c’est même une souffrance – l’incompréhension que certains fidèles semblent manifester à l’égard de notre célibat. Ils respectent notre choix, ils nous manifestent régulièrement leur estime sincère, mais ils ne voient pas combien ces multiples remises en cause du célibat ou la revendication de l’ordination d’hommes mariés comme solution à tous les problèmes finissent par nous fragiliser dans ce que nous vivons pour l’Eglise et pour eux. Nos vocations respectives – mariage, vie consacrée – sont complémentaires. Il nous faut nous soutenir mutuellement dans l’accomplissement généreux de celles-ci dans toute leur radicalité et leur beauté, et non les relativiser dans leurs fondations.
En ce sens, le texte de Benoît XVI et du cardinal Sarah, par sa profondeur, sa liberté et sa tranquillité, est aussi un magnifique cadeau pour nous, prêtres, qui vient nous encourager et nous rassurer dans ce que nous vivons. Tout comme avait été précieuse la lettre aux prêtres du pape François, passée un peu inaperçue au cœur de l’été dernier.
Chers amis, vous qui aimez les prêtres qui vous sont envoyés et qui nous exprimez souvent votre attention et votre prière, nous vous invitons à lire « Des profondeurs de nos cœurs » en vous écartant de toute polémique. Il y a là une belle opportunité de découvrir de l’intérieur ce que nous vivons pour vous par appel du Christ. Nous serions touchés que vous puissiez ainsi entrer un peu plus avant dans le mystère qui nous a conquis au jour de notre appel, de notre ordination et qui est la raison d’être de notre vie. Cela ne pourra que nourrir votre prière, que nous vous demandons souvent pour nous, vos frères prêtres ! Nous tenons au célibat parce que nous tenons à vous et parce que le Christ nous a saisis. Ensemble, prenons soin de ce trésor et continuons de servir et d’aimer filialement le Pape et l’Église !