Microphone

Confession par Internet ou par téléphone ?

Abbé Pierre Amar
20 mars 2020

La question est fréquente en ce temps de confinement. Puisqu’il n’est pas possible de venir à l’église ou au presbytère pour se confesser, peut-on recevoir l’absolution par téléphone ou par Skype ? Que dit l’Eglise ?

Il faut le dire clairement : non, on ne peut pas recevoir de sacrement par Internet. L’Église catholique s’est positionnée très clairement sur ce point[1]. La confession doit être tout à la fois individuelle, secrète, auriculaire, concise et complète.

L’objection tient à la nature même des sacrements qui sont des rendez-vous de la grâce divine avec l’homme, composé d’un corps et d’une âme. Le père Alain Bandelier, catéchète et prédicateur de retraites, l’explique très bien : « Un sacrement est toujours une rencontre et un évènement. Il se joue ici et maintenant, dans un point de l’espace où je me trouve. Il me touche de façon immédiate, c’est-à-dire sans aucune autre médiation que le corps, sans rien de virtuel. C’est une parole vivante qui m’est adressée, accompagnée d’un signe ou d’un geste qui m’atteint »[2].

Le Christianisme, religion du signe efficace

Certains se souviendront certainement que la question s’était déjà posée à l’avènement de la télévision Peut-on remplir le précepte dominical en regardant la messe derrière son petit écran ? Et donc, pourquoi pas l’absolution au bout du fil ? En affirmant la nécessité de la rencontre et de l’évènement, le père Bandelier ne fait que rappeler une évidence : il n’y pas de baptême sans eau qui mouille, d’onction des malades sans huile qui coule, de communion sacramentelle sans hostie consacrée et d’ordination sans imposition des mains. Bref, on ne peut pas baptiser un enfant en versant de l’eau… sur sa photo !

Ainsi, ce que l’on voit au cours de l’émission Le Jour du Seigneur ou sur KTO TV ou sur son ordinateur (en ce moment, beaucoup de prêtres filment les messes qu’ils célèbrent en privé), même en direct, n’est PAS la réalité : c’est une IMAGE de la réalité. Bien sûr, c’est précieux pour se soutenir, garder un lien, favoriser la communion des coeurs. Mais ça ne peut remplacer l’action sacramentelle qui, elle, se passe à un endroit précis.

Il y a également une autre objection, et elle est de taille : la confidentialité. Le secret de confession doit en effet être absolu. Il est d’ailleurs protégé par des peines très sévères en cas de violation. Or, même protégée par un bon firewall ou un password, une conversation téléphonique peut être écoutée, une visio conférence également.

Le Christianisme, religion de la Rencontre

(Pour sourire un peu) Confession en temps de confinement ?

Le web produit assurément une information. Mais il ne produit pas ce qu’il dit. Il ne fait qu’en parler, le montrer ou le faire connaître. C’est déjà beaucoup, bien sûr ! Mais les chrétiens sont les adeptes de la Rencontre. Dieu s’est fait chair, il s’est incarné, il a eu un corps et un visage. Lorsqu’il a voulu sauver le monde, il a envoyé son fils, dans la sueur, le sang et les larmes. Il n’a pas envoyé une lettre, ni un message ni… un mail ! Ouvrons l’Evangile : Jésus n’a pas fait semblant. Chacune des rencontres qu’il fait est irremplaçable et salutaire – au sens fort – au moyen de regards qui font renaître, de paroles qui sauvent, de mains qui relèvent.

Bien sûr, il est toujours possible de prier au téléphone, de bénir à distance, de demander pardon à Dieu au plus profond de son cœur. Et aussi de vivre une communion spirituelle. L’Eglise a même toujours enseigné qu’un acte de contrition parfaite efface les péchés… en attendant de pouvoir en faire l’aveu personnel dès que possible. Le pape François en parlait récemment dans l’une de ses messes du matin : si j’ai commis un péché, même grave, je peux sans tarder dans ma prière demander pardon à Dieu, exprimer mon repentir ardent et sincère, et prendre l’engagement devant le Seigneur de me confesser dès que possible. Cette contrition parfaite, si je respecte bien sûr mon engagement, me remet en amitié avec le Seigneur. L’idée du Pape est simple, comme s’il nous disait : « Ne t’inquiète pas si tu meurs ainsi : Dieu sait que tu avais la ferme volonté de te confesser. Et toi, tu sais au fond de ton coeur si tu étais effectivement prêt à cela ». 

Les sacrements vous manquent ? La messe, la confession vous manquent ? Comme c’est normal et…. comme c’est beau ! Le Seigneur, qui ne veut pas mais permet mystérieusement que nous vivions ce jeûne forcé, saura en tirer une fécondité et, certainement, un désir plus authentique. Ce qui est sûr, c’est qu’à l’heure où nous sommes si douloureusement privés de contacts vrais, notre religion apparait dans sa vérité. Elle est un message incarné et réel. Quelqu’un et pas quelque chose. Une personne, Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme.

___________

[1] Conseil Pontifical pour les communications sociales, « Église et Internet » in La Documentation Catholique, n°2267, 7 avril 2002, n°9, p. 137

[2] Alain BANDELIER, La Vie chrétienne au quotidien, Coll. « Une foi, mille questions » n°3, Paris, Edifa Mame, 2007, p. 179

Abbé Pierre Amar

Abbé Pierre Amar

Diocèse de Versailles, ordonné en 2002. Licencié en droit et en théologie. Auteur de "Internet, le nouveau presbytère" (Artège, 2016), "Hors Service" (Artège 2019), "Prières de chaque instant" (Artège 2021) et de divers spectacles (Jean-Paul II, Charles de Foucauld, Madame Elisabeth). De 2013 à 2018, il anime l'émission "Un prêtre vous répond" sur Radio Notre-Dame. Depuis sept. 2019, il répond à "Pourquoi Padre ?" sur KTOtv.

Partager